Créer une dynamique entre les professionnels et le Département, tel était l’enjeu de la matinée organisée ce jeudi dans l’hémicycle Bamana entre agriculteurs, Département et le cabinet de consultants Verso. Son représentant Germain Gultzgoff a longuement égrainé les lignes de ce document cadre qui doit guider et aider l’agriculture pendant les prochaines années, dans la même veine que ce qui a déjà été fait pour le tourisme.
Et l’enjeu est de taille. « On parle d’agriculture depuis des années, constate MOhamed Sidi, vice-président du conseil départemental en charge des affaires économiques. Mais on des secteurs qui n’arrivent pas à décoller, j’espère que cette feuille de route sera mise en oeuvre réellement ».
Pour le consultant Germain Gultzoff, « l’objectif pour le CD était d’avoir une vraie politique de développement agricole et qu’un modèle local puisse s’exprimer ».
La notion de modèle local est une des difficultés du dossier. Pas question en effet de copier-coller un modèle extérieur, tant les spécificités du territoire sont nombreuses. Comment concilier agriculture moderne, durable, et traditions ? Comment former, aider, accompagner les professionnels compte tenu de la place très importante de l’informel ? Et comment développer des filières locales sur un marché écrasé par les importations, et dans lequel la production est davantage vivrière que commerciale.
Développer une agriculture qui réponde aux besoins locaux, comme les cantines scolaires, est déjà dans les cartons et fait figure d’évidence. S’assurer que tous les producteurs n’adaptent pas leurs productions aux cours du marché pour éviter que celui-ci ne devienne trop volatil est aussi un exemple de centralisation utile, qui prévient aussi les pénuries.
Également en question, les pratiques traditionnelles « peuvent se perdre, ou pas. Car elles contribuent à la résilience du territoire et font vivre des familles, mais elles ont aussi des dérives, comme l’usage des produits phytosanitaires » détaille le consultant. A l’inverse, le jardin mahorais est un exemple de polyculture qui nécessite peu ou pas de traitement et répond à des besoins locaux.
Ce dernier propose donc un travail en trois axes. Le premier consiste à « rendre l’agriculture plus attractive ». « L’idée n’est pas de se demander combien on sera d’agriculteurs en 2030, mais pourquoi on voudrait exercer ce métier en 2030 ». Un travail est à mener sur l’installation des jeunes, sur la transmission des parcelles etc. L’idée de foires agricoles peut être un outil qui créerait plus de lien entre les professionnels du secteur.
Vient ensuite le soutien au développement. Comment passer de l’informel au formel, optimiser le foncier, aider les agriculteurs à bénéficier des aides existantes comme le FEADER, fonds européen. Comment aussi aider les agriculteurs informels mais en situation régulière à se professionnaliser, et comment aborder les autres, ceux en situation irrégulière, « qui n’ont pas d’existence administrative » mais représentent une large part de l’équation.
Le troisième axe, c’est renforcer l’action du CD en faveur d’une agriculture durable et inclusive. Sur le terrain, il s’agit de permettre aux producteurs d’habiter sur leur terrain, ce qui implique notamment que celui-ci soit sécurisé. Or, sécuriser nécessite des aides sur le matériel, clotures etc., mais aussi des conventions avec les forces de l’ordre par exemple.
La coopération régionale est aussi un enjeu de taille, or, il est difficile de travailler avec les producteurs malgaches quand on sait la difficulté que rencontrent ces derniers à obtenir des visas pour se rendre à des événements organisés à Mayotte.
D’une manière générale, la feuille de route agricole ne présente pas de quotas « on ne parle pas de volumes quantifiés, l’enjeu n’est pas tant de dire combien on veut, mais dans quelles conditions » résume le consultant.
Le conseil départemental doit désormais valider le document en vue de sa mise en œuvre, un vote attendu et espéré « lors des prochaines séances » veulent croire les agriculteurs.
Y.D.