Journée de solidarité au collège de Majicavo : à quand une prise de conscience pérenne ?

« Ils vont sécuriser le chemin ? » : la seule question sur les lèvres du personnel du collège de Majicavo a reçu une réponse partielle lors d’une réunion de crise ce lundi matin, après la violente agression dont a été victime une enseignante proche de la retraite. Des réunions post incidents, Mayotte n’en a que trop connues.

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Enseignants et parents relais se plaignaient d'un manque de communication avec la mairie, qui était heureusement représentée ce lundi

Ce lundi, les enseignants n’ont pas fait cours au collège de Majicavo. Droit de retrait pour les uns, mouvement de solidarité pour les autres, la journée aura permis des échanges, notamment avec les services de la mairie, qui doivent sécuriser le chemin desservant les Hauts Vallons, lieux de nombreuses agressions. Mais aussi la route y menant. « La semaine dernière, on m’a déposé sur la route principale, j’avais mon ordinateur, j’étais mort de peur en allant au collège », témoigne ce représentant du personnel à l’entrée du collège.

Vendredi dernier, c’était la 3ème agression enregistrant de graves blessures, cette fois contre une enseignante d’anglais, après qu’un professeur de SVT ait eu le front entaillé au chombo, et qu’un de ses collègues ait été entravé en scooteur par une corde tendue au niveau de son cou. Une 4ème enseignante avait été menacée d’un tournevis. Des agressions commises entre le collège et leurs résidences aux Hauts-Vallons, notamment sur le chemin qui relie les deux sites. Les victimes se plaignent d’une intervention tardive des gendarmes, « ils sont arrivés une heure après alors que la brigade est à côté », critique l’une d’elle.

Lors des deux attaques avec une arme blanche, l’auteur aurait proféré à ses victimes, « c’est la signature de Mayotte ». Un suspect a été interpellé, reconnu par les deux enseignants, comme le rapporte le procureur Camille Miansoni, « même s’il n’a pas avoué, nous avons des éléments concordant pour le mettre en examen et l’incarcérer. Il est donc depuis vendredi à Majicavo pour des accusations de vol avec arme. » Il avait déjà été condamné dans une autre affaire pour vol et une accusation de viol, mais absent lors de l’audience. Il effectue donc actuellement sa peine qui était de 10 mois de prison. Un autre individu est recherché, « l’enquête avance, mais de manière générale, nous manquons toujours de témoignages et de renseignements ».

Le recteur Gilles Halbout échangeait avec les enseignants

Il s’adressait à la dense tablée de la salle de réunion du collège. Étaient présents le recteur Gilles Halbout, le colonel de gendarmerie et son adjoint, la police municipale de Koungou ainsi que l’élu en charge de la sécurité, les syndicats enseignants, les représentants de parents d’élèves, les parents relais, etc.

Par nature, la violence remplit le vide à Koungou

Pour le procureur, l’essentiel n’était pas tant de communiquer sur la réponse pénale et ses sanctions, « elles sont là puisque la prison affiche un taux de remplissage de 120% », que sur les actions à mettre en place « pour que cela ne se reproduise pas ».

Concordance de vue pour les enseignants, qui demandent une sécurisation du chemin : « Il faut débroussailler, installer de l’éclairage public et des caméras, et mettre en place des forces de l’ordre sur ces endroits à risque, non seulement dans la journée, mais la nuit, car certains enseignants ne sortent qu’à 18h30, et des associations comme l’athlétisme viennent ensuite en soirée », rapporte Habib Louhibi-Rubio, représentant du SNES. Sans compter qu’il faut que les habitants se rapproprient la rue en soirée, sous peine de la laisser aux délinquants.

Habib Louhibi-Rubio demandait une sécurisation en soirée et sur le long terme

De manière plus globale, tous s’interrogeaient sur la montée de violence sur l’ensemble de la commune. Et déploraient le manque d’action de la mairie de Koungou : « Ils ne viennent jamais au conseil de surveillance du collège », critique encore l’enseignant. En écho, Camille Miansoni haussait la voix pour critiquer la désertion de la mairie: « Cela fait trois ans que je suis là, le CLSPD de Koungou ne s’est réuni qu’une seule fois, et sur une urgence après les violences de décembre. »

Nous l’avions écrit, le Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD) n’est efficace que si l’on s’en sert régulièrement. Véritable lieu d’échanges entre les représentants de la justice, ceux de l’éducation nationale, des forces de l’ordre, de la mairie, des associations de la commune, il permet de co-construire des solutions à la délinquance, notamment en terme de prévention. Mais ce lundi matin, la construction se faisait au fil de l’eau, chacun découvrant les actions des autres. Les parents relais disaient par exemple leur souffrance d’un manque de communication. La conséquence de CLSPD qui ne se tiennent pas régulièrement en mairie de Koungou. Et alors qu’on assiste à un durcissement de la délinquance dans cette commune. La gendarmerie nous avait expliqué qu’elle constituait le noyau dur des violences sur la journée de mercredi dernier, l’hélicoptère avait survolé cette zone une bonne partie de la journée.

Errance et chimique comme cocktail de rentrée

Le colonel Capelle (à gauche) très attendu sur la sécurisation d’une zone où montent les violences

Le colonel Capelle, commandant de la gendarmerie, donnait quelques bribes d’explication à cette montée de violence dans la commune : « Depuis 2016, nous avons assisté à un déplacement de populations du sud vers le nord. Il y a désormais un trop plein, et faute de débouchés pour les jeunes, plusieurs entrent dans une spirale de délinquance de survie, qui, ajoutée à la prise de substance comme le chimique, dégénère en violences. » Un intervenant évoquait une volonté de déstabiliser la vie sociale et économique de l’île, « ce n’est pas réellement une organisation avec cet objectif, ils sont plutôt tentés de se venger de leur situation précaire ».

Le recteur Gilles Halbout expliquait avoir déployé des caméras et sécurisé les abords, « mais il faut aussi le faire sur le trajet emprunté par les personnels. Notamment, il y a un container à proximité qui sert de repaire à certains voyous ».

La police municipale par la voix de son directeur Oili Issouf, évoquait son manque d’effectifs pour couvrir la zone de Majicavo Lamir à Longoni », dans les prochains jours, il va augmenter, et dans les prochains mois, des caméras seront installées. »

La marche en soutien à l’enseignante agressée

En réponse à la déficience de la commune, le collège a installé une Commission de proximité, « nous recueillons les informations que nous remontent les parents d’élèves ». En écho, la mairie assurait se mobiliser désormais, notamment en participant au conseil de surveillance.

A l’issue de la réunion, une grande marche associait l’ensemble des acteurs, les institutionnels dont le recteur en tête, qui les menait du collège aux lieux de l’agression de l’enseignante.

Plusieurs décisions ont été prises, diversement appliquées pour l’instant, nous explique Habib Louhibi-Rubio : « Nous avons reçu des engagements du recteur, qui, pour l’instant ne nous a jamais fait défaut, sur le doublement des Equipes Mobiles de Sécurité devant le collège. Sur le chemin de passage, la mairie de Koungou s’est engagée à poser des vidéos, à mettre en place des policiers municipaux, et de l’éclairage public. Mais nous constatons que la mairie n’a effectué ce matin qu’un débroussaillage partiel, sans poursuivre en après-midi. » Le container devait être enlevé. Les enseignants veulent y croire donc, mais attendent la mairie de Koungou sur ces engagements précis.

Anne Perzo-Lafond

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