Les bonnes causes ne font pas les gros rassemblements

Les mobilisations nationales ne sont jamais très suivies à Mayotte. Pourtant cette fois, des revendications tout à fait locales étaient portées, tournant autour de la convergence des droits du Travail vers le national, notamment le code de la Sécurité sociale. Son absence bloque toute avancée.

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Interprofessionel, Mayotte, code du Travail
Un rassemblement unitaire chez les syndicats

« Nous avons des devoirs qui sont les mêmes, faisons pareil avec les droits, c’est pour cela que je viens soutenir les salariés mahorais ». Cet appui, c’est Nadjim Ahamada, l’ancien bâtonnier du barreau de Mayotte, qui le livre. Non loin, c’est Anchya Bamana, ancienne maire de Sada, qui manifeste aussi, « je ne peux rester insensible aux problèmes des Mahorais. »

Peu de monde alors que les enjeux sont importants, ce qu’explique Salim Nahouda, secrétaire départemental CGT Ma : « Nous avons peu communiqué au sein des entreprises alors qu’il s’agit d’appliquer les conventions collectives ». L’octroi de cette dérogation au secteur du transport scolaire il y a 10 jours, a logiquement fait des envieux. L’information avait circulé notamment chez Star Urahafu, « nous demandons l’application des conventions collectives car le code du Travail ici est loin d’être aligné sur la métropole. En généralisant les acquis, toutes les entreprises de la branche pourront bénéficier des avantages que nous avons », explique un délégué CGT Ma.

35h, CGT, Mayotte
Salim Nahouda : « Depuis les 35h, nous avons perdu un euro de SMIC net horaire sur le national »

Salim Nahouda a une autre explication à la faible mobilisation : « Les salariés ne sont pas prêts à consentir une baisse de revenu en faisant grève, leur salaire a déjà été amputé en raison de la crise Covid. Et alors que le gouvernement a mis en place une activité partielle, certains n’ont pas été payés, en majorité dans les très petites entreprises. Nous sommes en train de monter les dossiers. » Certaines entreprises ont même usé et abusé de l’activité partielle alors que leur salariés travaillaient à plein temps.

Alors que le SMIC net était ici quasiment aligné sur la métropole, ce n’est plus le cas, assure Salim Nahouda : « Après le 31 décembre 2017 et le passage aux 35h, les salariés n’ont pas été payés 39h, contrairement à ce que prévoit la loi. Le SMIC net a stagné, il est désormais à 7,05€ contre 8,03€ au national, nous perdons environ 148 euros par mois. »

« Sans code de Sécurité sociale, il n’y a que des coquilles vides »

En matière de SMIC brut, l’alignement des cotisations sociales, « 8% ici contre 22% au national », est progressif jusqu’en 2036, « mais sans cotisation, il n’y a pas de ressource en cas de pépin de santé pour le salarié ».

L’intersyndicale CGT Ma, FO, CFDT et CFE CGC, à laquelle s’est joint Solidaires, réclame l’application immédiate du code de Sécurité sociale. Salim Nahouda, également président de la CSSM, rappelle que l’alignement partiel du code du travail permet à un salarié de partir en congés paternité, mais sans rémunération faute d’application du code de la Sécurité sociale. « En tant que président, je m’adresse au gouvernement qui doit modifier les ordonnances pour l’appliquer. Or, d’après ce qu’on nous remonte, si les autres codes ont bien une convergence d’application, jusqu’en 2022 pour le code du Travail, rien ne semble prévu pour le code de la Sécurité sociale. »

Des manifestants masqués et patriotes

La CFDT en fait même un préalable, « sans code de Sécurité sociale, les conventions collectives ou l’alignement des salaires ne peuvent être débloqués dans le secteur privé. Les conventions collectives seraient une coquille vide, sans garanties financières. On nous vendrait du rêve », nous explique Antoine Tava. Il réclame aussi la mise en place de Commissions Paritaires régionales Interprofessionnelles, « elles permettraient de représenter les salariés et les employeurs des très petites entreprises, pour mettre en place des accords particuliers, par exemple le 13ème mois, évitant que les salariés concernés partent dans les grosses boites qui ont ces avantages. »

Pour Djoumoi Djoumoy Bourahima, président de la CFE CGC, « on ne peut pas construire en faisant du bricolage, ou alors ça arrange certains ! On met en place le CREFOP, mais sans possibilité de structurer les branches, à qui profite ce crime ? On voit défiler une batterie d’ordonnances qui intègrent Mayotte, mais on ne peut pas les appliquer. »

Le cortège s’ébranlait vers 10h, et se dirigeait vers le conseil départemental et la préfecture. Une délégation y était reçue à 11h.

Anne Perzo-Lafond

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