Mamoudzou : il crève l’œil de sa compagne pour 80€

Il n'y a pas de belle histoire de violences conjugales, ça n'existe pas. Mais certaines sortent du lot, par la gravité leurs conséquences ou la posture de l'auteur des coups. Ce mercredi, c'était les deux à la fois, avec un oeil perdu, et un prévenu dans le déni.

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Je ne pense pas être totalement responsable de la perte de ton œil ». Une petite phrase dans une longue lettre de pardon, qui montre tout le déni dont a fait preuve l’auteur des coups qui ont valu à une femme de perdre son oeil droit en 2015. Celle-ci, fragilisée par une opération de la cornée 10 ans plus tôt, faisait l’objet de violences régulières. Quand son compagnon, en plus de l’alcool, s’est mis à la chimique, la situation a pris des proportions inédites. Le jour où elle l’a sommé de quitter le logement car elle ne voulait « pas de chimique à la maison », ce natif d’Annecy de 45 ans a littéralement explosé.

Selon les dépositions, il y a eu des coups de poing, l’usage d’un mortier et même un doigt enfoncé dans l’oeil. Seule certitude, ce dernier, crevé, sera déclaré définitivement perdu après plusieurs mois de soins infructueux, en janvier 2016. Une mutilation permanente qui aurait pu conduire cette affaire en cour d’Assises si le parquet et la victime n’avaient pas opté pour une correctionnalisation et, du coup, un procès plus rapide.

Rapide si l’on peut dire, car après 5 années, l’auteur des coups a eu largement le temps de réfléchir à ses actes, et le tribunal lui a tendu plus d’une perche pour qu’il s’en explique. En vain. Dans la droite ligne de sa lettre d’excuses, le prévenu se répète, « j’aurai toujours un doute sur l’origine de la blessure ».

Il n’en fallait pas moins pour agacer au plus haut point l’avocat de la victime, Me Andjilani. « Quand il explique qu’il ne se sent pas totalement responsable je trouve ça culotté de sa part. » L’avocat n’a pas hésité à mettre à son profit le mobilier du tribunal. « Si je prends cette chaise et que je vous assène plusieurs coups, ce sera moi le responsable de votre tête fracassée, ou ce sera la chaise ? Pas d’autre question M. le président ».

« Il y a des causes qu’on ne peut pas ne pas sanctionner »

Interrogé plus avant sur ce qui avait pu l’énerver à ce point, l’homme se perd en explications, chacune visant à culpabiliser la victime. « Je me suis senti rejeté, j’ai voulu lui faire payer, j’ai pas réfléchi aux conséquences” affirme-t-il. Derrière cette frustration, des explications floues, mêlant son éviction du logement en raison de sa consommation de stupéfiants, mais aussi la somme de 80€ qu’il tentait de « récupérer » du porte-feuilles de Madame. “vous pouvez pas mettre un terme comme ça à 7 ans de relation sur des mots » lâche-t-il. Dès lors, la tentative d’échange entre les magistrats et le prévenu devient lunaire, pour ne pas dire stérile, voire contre-productive pour lui.

-“vous vouliez lui faire payer quoi, sa liberté ?”

“B., elle a un caractère quand même heu…”

“C’est elle la responsable donc ,c’est ça le discours que vous tenez à la barre ?

A côté du président d’audience, l’assesseur s’agace de plus belle.
« Vous vous croyez ou Monsieur, vous allez chez cette dame, vous défoncez ses meubles, vous la tabassez, et vous lui reprochez de vous dire de quitter les lieux ? Vous dîtes que votre colère a démarré car il vous manquez 80€ ? Aujourd’hui il lui manque un oeil ! C’est comme ça que vous aimez les gens ? »

Me Andjilani

Face au déni de l’homme, voire à son cynisme, le procureur Camille Miansoni a voulu une réponse comme on en requiert rarement au tribunal correctionnel, tout en restant éloignée de ce qu’il aurait encouru aux Assises. « L’article 222-9 (du code pénal NDLR) punit cette infraction de 10 ans d’emprisonnement. Ce dossier arrive tard, mais il en est encore à dire peut être que, peut être pas. Le temps passé n’a pas permis de prendre une distance suffisante. Les faits sont établis, en répression, je propose la peine de 5 ans d’emprisonnement dont deux avec sursis probatoire, et mandat de dépôt. Il y a des causes qu’on ne peut pas ne pas sanctionner. Vous ne pouvez pas ne pas décerner de mandat de dépôt. Il faut aussi une partie probatoire pour, à la sortie de sa détention, pouvoir se faire suivre. Ce n’est qu’une décision juste de proportionner cette peine à la gravité des faits. »

Les juges ont tranché pour une peine de 4 ans de prison, dont deux ferme avec incarcération immédiate. Il doit en outre verser 40 000€ de provision de dommages et intérêts à la victime.

Y.D.

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