« Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée Département, régie par l’article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et aux régions d’Outre-Mer ? » Cette question, piège pour certains, a reçue une réponse favorable à 95,24% le 29 mars 2009. A l’époque, la population de Mayotte avait les yeux levés vers Paris avec fébrilité, quêtant le moindre signe de ce qui pouvait sécuriser leur avenir loin de l’Union des Comores.
On pourra toujours avancer que la formulation du deux en un, avec un Département cachant sa région, ait été une acceptation à bas prix dans le giron des DOM, Mayotte y faisait son entrée en 2011. « En réalité, le président Sarkozy avait déjà dans l’idée de réformer les départements, mais n’a pu le faire, ayant été battu aux présidentielles suivantes », nous décrypte le sénateur Thani Mohamed Soilihi.
En attendant, la Guyane et la Martinique décidaient de basculer en collectivité unique en 2010, en réunissant leurs conseils régional et départemental en un seul, rejoignant une Mayotte qui n’aura jamais expérimenté cette double assemblée, et les compétences et les financements qui vont avec.
« Les ennemis de Mayotte française »
C’est pourquoi l’ancien président du conseil départemental Daniel Zaïdani avait affiché sa volonté de doter le Département de conseillers supplémentaires pour la Région, et d’un scrutin de liste, pour sécuriser l’élection, en évitant les valses de candidats de dernière minute. Sa majorité avait saisi le sénateur Thani Mohamed Soilihi, mais son successeur LR, Soibahadine Ramadani, revoit la copie pour aller plus loin, en élargissant le sujet à un « toilettage institutionnel », permettant de doter le territoire des compétences d’une région. On parle là de développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, le soutien à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat, etc.
Une partie de la population s’est opposée au toilettage, prêtant à la tête de l’exécutif des envies suicidaires, en craignant qu’une révision institutionnelle soit le prétexte pour Paris de « lâcher Mayotte ». Le terme reste récurrent dans l’inconscient collectif. Alors que le sénateur Thani Mohamed était saisi de la question, l’exécutif du département se dégonflait.
Le député Mansour Kamardine, également LR, vient de se positionner contre, sur les ondes de Mayotte la Première. Il surfe sur un supposé contexte de défiance actuel de Paris vis à vis de Mayotte, pour inviter à la méfiance : « Il faut éviter. La départementalisation n’a pas fait que des amis en métropole, on a plus d’ennemis de Mayotte française qu’autre chose. Quand on veut quitter la France, un référendum suffit, quand on veut y entrer, cinq ne suffisent pas. »
Ni Département, ni Région
Pour le sénateur Thani Mohamed Soilihi, il s’agit de clarifier une situation qui ne l’est pas : « Ce qui est sur le papier n’est pas appliqué en réalité. Mayotte n’exerce pas totalement son rôle de Département, puisqu’il manque notamment l’application du code de la Sécurité sociale, et ni le rôle de Région. Les élus des deux exécutifs successifs du Département s’en sont aperçus, et m’ont saisi à deux reprises, après analyses techniques poussées de cabinets d’experts. Quand ils l’ont fait, aucune voix ne s’est élevée, pourquoi elles se font entendre maintenant ? Et du même parti politique ! »
Il appelle à clarifier, « soit on retire les compétences de la Région, et Mayotte reste un Département, soit il faut assigner toutes les compétences avec les compensations qui vont avec. Il faut en tout cas que les statuts soient appliqués tels qu’ils sont rédigés. »
Un statu quo risqué
Mais attention toute reculade n’est pas bonne à prendre, « n’oublions pas que le rectorat de plein exercice ou l’ARS, ne sont obtenus qu’au titre de la Région ». Et il faut encore aller de l’avant, avec notamment un Pôle emploi plein et entier.
Quant au mode de scrutin par liste, le risque avancé par certains d’une montée du RN est irréaliste selon lui, « c’est le mode d’élection pour les municipales. Quand il s’agit d’élus de proximité comme les départementaux, les gens votent pour les personnes qui leur sont proches ».
Pas de risque pour le sénateur de réclamer institutionnellement d’endosser les compétences pleines et entières, « les Mahorais ne voteraient jamais contre le rattachement à la France. Le risque principal était celui d’une majorité d’étrangers dans la population, j’y ai mis fin avec la garantie de régularité de séjour d’un des parents avant la naissance ».
Visiblement, il va encore falloir des « Mayotte na farantsa pakacho » (Mayotte à jamais française, déclaration d’Emmanuel Macron à Mayotte) à la pelle pour apaiser les esprits.
Anne Perzo-Lafond