« Et si on permettait le développement économique ?
Il est communément établi que nos économies ultramarines sont fortement dépendantes de la commande publique, au point que les mauvaises langues pourraient qualifier le PIB ainsi mesuré de « richesse hybride ». Cette situation fait de nos collectivités locales et administrations publiques ou déconcentrées de l’Etat les principaux pourvoyeurs d’activité à Mayotte. Est-il permis de se questionner l’organisation de la distribution des rôles à Mayotte ? Notre récente histoire nous apprend que nos collectivités sont jeunes, normal, les premières datent de 1977, mais surtout qu’elles n’ont pas encore embrassé l’ensemble des compétences assumées par leurs homologues qui ont une pratique de la décentralisation bien éprouvée.
Comment dans cet environnement gagner le combat du développement si nous continuons à évoluer en marge des règles de la décentralisation ?
Au contraire, le législateur dans sa grande sagesse a donné un cadre propice à cela, allant jusqu’à consacrer la décentralisation comme principe constitutionnel depuis 2008.
L’action publique est certes conduite au nom de l’intérêt général, mais celui-ci ne se résume pas seulement à la portion congrue de l’intérêt social et/ou populaire, puisque la logique économique guide nos rapports aux autres. Il faut bien financer le social !
Avec 77% de taux de pauvreté, Mayotte ne peut pas se payer le luxe du tout gratuit et le mieux disant en matière de commande publique semble être devenu la norme au grand dam des revendications catégorielles. La préservation de la santé qui a prévalu durant le confinement n’a pas fait long feu face aux considérations économiques, puisqu’il faut bien financer notre modèle social.
Conjurons le sort, combattons les totems, les forces vives du territoire ne doivent plus résister. Les règles de la République souhaitées par nos ainés nous contraignent à cela. Les pratiques de nos administrations locales et étatiques héritées d’avant la départementalisation doivent s’y conformer. Que chacun reste dans la sphère de compétences dessinées par la décentralisation. C’est en cela que nous pourrons mieux faire ensemble et véritablement asseoir l’égalité.
La progressivité de notre modèle départemental ne fait pas abstraction à cela. La gestion de nos politiques publiques majeures, la santé, les transports terrestres et maritimes, les politiques éducatives, alimentaires, sportives, les politique sociales, la promotion et sauvegarde de l’environnement, ou encore la gestion de l’eau constituent des pans majeurs de notre développement qui sont aussi voués objectivement à obéir à des logiques de développement économique, à condition qu’elles bénéficient d’une gouvernance rénovée. »
Nabilou Ali Bacar