La filière cocotier sinistrée par les vols : des solutions en vue

Lancé il y a vingt ans maintenant, le programme de régénération des cocotiers par fécondation était exposé lors des journées du patrimoine. Il a peu avancé, notamment en raison des vols considérables dont est victime l’exploitation de Valarano.

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Cocotiers, Mayotte, Cirad, DAAF
Dader Oubeidi présente ses bébés cocotiers

En 2000, l’inquiétude des agriculteurs de Mayotte, et de Mtsangamouji en particulier, les pousse à réagir : les cocotiers sont en voie de disparition. Trop vieux, 350.000 avaient plus de 50 ans, et n’étaient pas suffisamment renouvelés par de jeunes espèces. Or, la noix de coco est au centre de la culture mahoraise, avec autrefois, les toits et les murs faits de feuilles de coco tressés, et l’alimentation à base de lait de coco et coco fraiche.

Une grosse opération de régénération est donc lancée. Il était alors question de produire 7.000 cocotiers par an. Pour cela, avec le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), il était décidé de produire une espèce hybride, le « May Malé ».

Lors des Journées européennes du patrimoine du week-end dernier, nous avons retrouvé celui qui mène le programme de production, Dader Oubeidi, ingénieur agronome au Lycée agricole de Coconi.

Devant un public de connaisseurs pour certains, il expliquait la technique utilisée. « Nous avons cherché à marier le cocotier Grand local, peu gourmand en eau, mais peu productif, et qui monte jusqu’à 30m de haut, avec une autre espèce, le Nain jaune de Malaisie, qui produit 4 fois plus. D’où le nom, ‘May Malé’. La semence mâle est prélevé chez le Grand local de Mayotte, que nous broyons et séchons en étuve, pour ensuite le pulvériser sur les ovaires du Nain jaune, les stigmates, qui restent ouvertes pendant un mois ». Pour coller le pollen vaporisé, une sorte de gloubi-boulga fait maison est confectionné, un mélange d’agar-agar avec de l’eau et du sucre roux, pour obtenir une gélatine.

A 3 mois, les noix se forment, à 6 mois, elles peuvent être consommées comme coco fraîche, et à 9 mois, en noix sèche, « le goût qu’apprécient les occidentaux ! »

90% de la production est volée

Le marieur de cocotiers en chef présente la semence mâle (à gauche sur la photo) et la femelle

Garçon ou fille ? Ça, c’est chez les humains. Pour le cocotier, c’est aussi la surprise à la naissance, « si la jeune pousse sortant de la noix est marron, c’est que l’hybridation a fonctionné, si elle est jaune, c’est que la nature est passée avant moi, et ce sera un Nain jaune à 100% ».

Les plans sont alors vendus aux agriculteurs, soit pour des cultures associées, soit en monoculture, « on les plante en quinconce en direction nord-sud, pour qu’ils ne se fassent pas d’ombre les uns les autres. Et les besoins ont grandi, « il y en a 500.000 à remplacer ». Car la structuration de la filière a peu avancé.

Un groupement d’agriculteurs a vu le jour au nord, ils mettent en place des parcelles. Mais les professionnels évoquent toujours le vol comme plaie numéro un à l’exploitation, « quand nous récupérons 10% de la production, nous sommes contents ! », s’exclame Dader Oubeidi. Le phénomène va en s’aggravant, complète Laetitia Vannesson, Directrice d’exploitation du lycée agricole de Coconi : « Ils n’hésitent plus à abattre les cocotiers maintenant », le travail de 20 ans de l’ingénieur est alors anéanti. « Et les 20 hectares de Valarano sont impossibles à surveiller », soupire-t-elle.

Ce qui pose un problème majeur, souligné par Bertrand Wybrecht, directeur de la Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DAAF) : « Très peu de plans hybrides arrivent à être récupérés en raison de ces vols. Donc nous sommes toujours sur une faible régénération de la cocoteraie. » D’autre part, il est compliqué selon lui de mener un projet alliant grandes exploitations comme celle du lycée agricole et les petites productions traditionnelles, « c’est le grand écart. »

La Zone agricole protégée, un concept nocif

Il faut écouler la production en tenant compte de la petitesse des exploitations à Mayotte

Sur les cocoteraies du nord, les agriculteurs espèrent avoir l’autorisation de résider à proximité de leurs propriétés, comme en métropole, « c’est indispensable, c’est la solution que nous privilégions à Valarano », mise Laetitia Vannesson. Des années que les agriculteurs le demandent. Et qui tombe sur le même écueil, la Zone agricole protégée, mise en place en 2011. Une plaie pour les professionnels, « elle interdit la construction de bâtiment, notamment d’élevages », explique le DAAF.

L’agriculteur doit en outre être en zone A (Agricole) et non N (Naturelle). Heureusement, un assouplissement de l’aberrante loi Littorale à Mayotte, puisque quasiment toute l’île y est placée, permet désormais de construire en zone A sous condition. Il faut en effet encore passer sous les Fourches caudines des Plan locaux d’urbanisme, « le règlement est adaptable dans chaque commune ».

Une commission spécifique, la CDPENAF, examine les dossiers au cas par cas, « quand on juge le projet sérieux, on débloque l’autorisation d’occupation pour le porteur de projet », rapporte encore Bertrand Wybrecht. Car certains essaient de forcer l’entrée, en bâtissant des lotissements en zone agricole.

Laetitia Vannesson poursuit néanmoins la structuration de la filière : « Nous travaillons sur le projet d’une exploitation privée d’installation d’une petite usine de transformation du coco. Notamment, la possibilité pour une unité mobile de se positionner sur place, pour récupérer les noix après ramassage, décoquage et débourrage ».

On peut donc espérer que le projet de cocoteraie du nord aboutisse à une solution positive, notamment en matière de bâtiments agricoles, parce qu’ils n’est pas dénué de charme, nous explique Dader Oubeidi, « ils ont installé une ruche sous les cocotiers pour faire du miel de coco ! »

Anne Perzo-Lafond

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