Les deux passeurs ont bien failli échapper à la justice. Lors de l’interception du kwassa au large d’Acoua le 6 septembre dernier, c’est un jeune garçon que les marins ont aperçu à la barre de la frêle embarcation qui transportait 6 personnes. Comme souvent, les passagers ont alors été conduits au centre de rétention pour être expulsés, et le pilote a été entendu par les gendarmes pour être jugé. Mais ses déclarations ont mis la puce à l’oreille des enquêteurs qui ont reporté leurs soupçons sur deux « passagers ». Interpellés au CRA avant d’être reconduits, ceux-ci ont fini par reconnaître être les organisateurs du voyage, et avoir désigné le jeune garçon comme bouc émissaire pour aller en prison à leur place en cas de contrôle en mer.
A ce moment-là, les enquêteurs ne savent pas encore qu’ils réalisent un coup double. Car rapidement l’enquête permet de relier les deux comparses à des faits précédents. L’un ayant été condamné en 2009 sous un autre nom, avait fait 6 mois à Majicavo. L’autre, en mars dernier, à un an ferme pour un précédent trajet en kwassa.
L’homme qui devrait donc être en prison avait été libéré en raison d’un imbroglio que l’audience de ce lundi n’a pas détaillé. Toujours est-il que le jeune homme d’une trentaine d’année n’a passé que quelques heures en prison avant d’en sortir pour être reconduit aux Comores, où il a pu reprendre son activité de passeur. Interrogé par le président Ben Kemoun sur la « leçon » qu’il aurait dû apprendre de cette condamnation, le prévenu a une réponse déconcertante. « Comme j’ai été mis en prison le matin et libéré l’après midi je pensais que ça ne comptait pas » lâche-t-il sans sourciller.
Le substitut du procureur Ludovic Folliet a pris acte de la volonté de récidive des deux passeurs. « Ce qui m’ennuie c’est qu’ils ont déjà été présentés au tribunal et ils continuent en récidive, l’un d’eux a même eu 12 mois avec un mandat d’arrêt. Malgré ça ils ont décidé de continuer cette activité très lucrative et refusent de respecter les lois ».
Les deux complices ont tenté d’amadouer le tribunal en parlant de leurs familles restées aux Comores, en vain. Ils ont été condamnés respectivement à 10 et 12 mois de détention et sont repartis menottes aux poignets.
Y.D.