Avec 196 pays signataires, dont la France, des négociations internationales menées au pas de courses et une adoption en 10 ans à peine, la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) est un des traités les plus consensuels de la planète. Elle réunit les états signataires autour du principe universel que les enfants, définis comme toute personne de moins de 18 ans, doivent être protégés, et ont des droits inaliénables. Parmi ces droits : l’accès à l’éducation et à la culture, le droit à l’identité, à la sécurité, à être entouré d’une famille, protégé et aimé etc.
A Mayotte où la moitié de la population est mineure et pour la majorité en grande précarité, ces principes n’ont rien d’évident, et plus qu’ailleurs, les défendre prend ici tout son sens. C’est un des objectifs de la journée internationale des droits de l’enfant (JIDE) qui se déroulera le 20 novembre prochain. A deux mois du coup d’envoi, l’association Haki Za Wanatsa (les droits des enfants en shimaoré) mobilise ses partenaires et veut réunir les bonnes volontés.
En tout, 283 membres, adhérents ou sympathisants dont 60 membres actifs constituent cet important réseau.
» On est partis d’un constat, une large partie de la population et donc de la jeunesse est en souffrance. On a décidé de se rassembler pour partager nos expériences de terrain. De là s’est créé un collectif inter associatif et un dialogue institutionnel, dans une dynamique de cohésion. C’est du droit international donc on se base sur quelque chose de concret » explique Lydia Barneoud, vice-présidente de l’association. Elle intervenait vendredi au Centre universitaire de Mayotte dans une conférence dédiée à la CIDE.
Si le réseau est important, le chemin à parcourir l’est tout autant. Au niveau national, 44% des adultes ne savent pas que la convention existe, 63% des adultes ignorent son contenu, 78% des adultes sous estiment le nombre d’enfants SDF. Par ailleurs, 2 enfants sur 10 en France vivent sous le seuil de pauvreté. Plus inquiétant encore : en France tous les 5 jours un enfant est tué par un de ses parents en moyenne
A Mayotte, l’infanticide est rare, mais les enfants victimes de violences sont légion, que ce soit de la part des parents, qu’il s’agisse de violences institutionnelles ou de violences qu’ils s’infligent entre eux.
En situation de précarité, faire valoir ses droits n’est en effet pas une priorité. Et pour les adultes, l’autorité prime souvent sur la notion de droits.
Ainsi, le directeur des Céméa de Mayotte Archimède Saïd Ravoay explique le quiproquo qui existe derrière le nom « haki za wanatsa ». « Haki, c’est le droit, mais dans le sens d’une décision de justice. Comment traduire pour dire que c’est juste le droit de vivre, sans amalgame? » s’interroge-t-il. Sinon cela peut sous-entendre que l’enfant a forcément raison », une ambiguïté linguistique qui rejoint un frein culturel. Notre confrère Ismael Saïd Combo présent dans la salle a réagi aux analyses des intervenants. « Les adultes ne connaissent pas ces droits, à Mayotte on pense tout de suite aux rapports entre adultes et enfants, rapport dans lequel l’enfant n’a aucun droit devant les adultes. Il faut expliquer, vulgariser”.
Et quand on parle d’éducation à Mayotte, il est fréquent de s’entendre rétorquer l’expression « enfant des juges ».
“L’enfant des juges, c’est ce cliché que le Mzungu n’aime pas qu’on donne une petite fessée à l’enfant, il faudrait faire plus de sketches pour expliquer comment un adulte doit se comporter avec les enfants, avec des images qui parlent” poursuit le journaliste.
Autre écueil fréquent, opposer les droits de l’enfant à ses devoirs. Or, les droits sont universels, acquis dès la naissance, et il appartient aux adultes de s’assurer de leur respect. Les devoirs sont des choses à apprendre, ils dépendent de l’éducation reçue, et ne sont donc pas à mettre sur le même plan, résume en substance Djounaïdi, ancien jeune ambassadeurs des droits de l’enfants (JADE), en lien avec le défenseur des droits à Mayotte.
Pour faire passer malgré toutes les difficultés du territoire ces notions élémentaires de droit international, et faire accepter que l’autorité parentale n’est pas incompatible avec le respect de ce droit fondamental, le principal outil reste la communication à grande échelle. C’est l’enjeu de la prochaine journée internationale des droits de l’enfant le 20 novembre prochain. L’année dernière avait été marquée par l’investissement du groupe La Rue Ketanou, et la réalisation de plusieurs films. La préparation du cru 2020 est dans les starting blocks.
Y.D.