Le nombre de demandeurs d’emploi à Mayotte est variable, pas seulement d’une année à l’autre, également d’un organisme à l’autre. La faute à une proportion non négligeable de demandeurs d’emploi logée dans un halo encore compact. Aux chômeurs au sens du Bureau International du Travail* (BIT), s’ajoutent en effet pour l’INSEE plus de 30.000 personnes sans emploi qui souhaitent travailler, mais ne sont pas considérés comme chômeuses. L’Institut de la statistique les évaluait à 23.000 fin 2019. Quand pour Pôle emploi, ils sont prés de 15.000 à être inscrit.
Un fossé, qui s’est malgré tout comblé fortement en 2019, puisque ce sont 24% de personnes en plus qui ont été inscrites à Pôle emploi, pour atteindre ces 15.000 officiels. Un chiffre qui ne traduisait pas forcément un accroissement des demandeurs d’emploi fin 2019, mais plutôt, « davantage de visibilité sur des personnes qui se font recenser », avait expliqué Jean-Christophe Baklouti, directeur de Pôle emploi Mayotte.
Mais avec 8.000 personnes non formellement identifiées comme étant à la recherche d’un emploi, il y a encore beaucoup à faire pour réduire ce halo.
Une des explications à cette démarche formalisée de 24% de demandeurs d’emploi supplémentaires, était la déconcentration des services de Pôle emploi, avait fait valoir Jean-Christophe Baklouti, soulignant l’ouverture d’une agence en 2018 et de permanences à Hamjago et Combani, « on se rapproche de la population, donc les gens peuvent mieux nous solliciter. » Une logique à poursuivre.
Une 3ème agence au sud de Tsararano
Alertés par un habitant de Dzoumogne d’un possible déménagement de l’antenne Pôle emploi de la commune vers Combani, nous avons donc fait le point avec le directeur sur les services proposés par Pôle emploi sur le territoire. « Nous avons deux antennes à Mayotte, à Kawéni et Dzoumogne, ainsi que des points relais et des permanences. Le contexte nous a incité à fermer pour l’instant le point-relais de Chirongui, en raison de problèmes sur les gestes barrière. » On peut espérer que la levée de l’urgence sanitaire active l’ouverture de ce service œuvrant au plus prés de la population. Les permanences permettent de proposer des services plus épisodiques au sein de locaux partenaires « deux à trois fois par semaine », notamment à Hamjago, Combani, au sud et en Petite Terre.
Le sud justement est peu desservi, « les habitants doivent se rendre à Mamoudzou ». Pour y pallier, une 3ème agence devrait ouvrir, « au Sud de Tsararano ». Et en Petite Terre, « où on compte 2.000 demandeurs d’emploi qui doivent eux-aussi se rendre à Kawéni, un point relais doit ouvrir.
Un match se joue actuellement sur la seconde agence, entre Dzoumogne et Combani. L’agence de Pôle emploi est installée dans la première localité, mais elle pourrait déménager dans la seconde. Assez illogiquement, puisque le maillage territorial inciterait à maintenir ce service pour l’ensemble des localités du Nord, puisque les habitants de Combani peuvent se rendre à Kawéni ou plus tard dans le sud. « Je reste ouvert à toutes les propositions. Ce qui fera la différence, c’est la qualité de l’investissement. A Dzoumogne, notre immeuble actuel est vétuste. Et un investisseur a monté un projet de locaux pour Pôle emploi depuis 5 ans, mais a bâti sur un terrain qui ne lui appartenait pas. J’ai envoyé des recommandés pour connaître les échéances et avoir une date de livraison, sans aucune réponse. »
22 créations fermes de postes
Si le maillage territorial semble encore insuffisant eu égard au besoin, des évolutions sont en cours.
Depuis le 31 mars 2019, et à la demande de la population, Mayotte dispose d’un Pôle emploi autonome, ce qui lui a permis notamment de programmer l’implantation d’une 3ème agence dans le sud, et de lancer une campagne de recrutement, rapporte le directeur de Pôle emploi : « Nous avons obtenu de la direction générale l’abondement de 22 postes le 1er août dernier. Douze sont dédiés à la structuration de nos services, Cellule de pilotage, Ressources humaines, direction administrative et financière, etc. Et dix, à l’accompagnent des demandeurs d’emploi. » Il faut rajouter 7 postes obtenus l’année dernière, 5 en janvier 2020, « et 5,4 postes en CDD de durée longue, dès ce 1er octobre, dans le cadre du plan de relance, consacrés à l’accompagnement des jeunes de retour vers l’emploi. »
Les profils recrutés sont divers. « Ceux qui concernent l’administration sont pourvus par de l’évolution en interne, comme la chargée des relations sociales. Sauf en matière de contrôle de gestion où nous avons du faire appel à un recrutement extérieur. Les conseillers auprès des demandeurs d’emploi sont également recrutés en externe, ce sont le plus souvent des CDD arrivés chez nous, que l’on fait évoluer en CDI. Car il faut maîtriser la réglementation en matière d’assurance chômage, spécifique à Mayotte. » Un opérateur dédié à la mise à jour du site internet ne serait d’ailleurs pas du luxe, tant la page d’actu est maigre !
Une montée en puissance qui ira on l’espère vers toujours plus de déconcentration en l’absence de transport en commun, et au regard du prix d’un transport en taxi prohibitif pour des habitants se déplaçant depuis les deux zones les plus isolées que sont le Nord-ouest et le Sud.
Anne Perzo-Lafond
* Le BIT définit le chômeur comme une personne en âge de travailler qui remplit 3 critères : sans travail, disponible dans un délai de deux semaines pour occuper un emploi et activement à la recherche de travail