Ils laissent songeur les panneaux qui affichaient ce week-end en 4×3 une bweni, brochette de poulet en main sous le mot Hodari (fort, intelligent). Un « teasing », comme les aiment les publicitaires, qui est là pour interpeller, en l’occurrence sur la chaleur qui règne dans la maison, au point de pouvoir y faire cuire des brochettes. L’enjeu est d’inciter à isoler son habitation grâce à des aides aux matériaux économiseurs d’énergie.
« Nous sommes la seule industrie à avoir intérêt à réduire sa production », lance en introduction Claude Hartmann, nouveau directeur d’Electricité de Mayotte (EDM), l’œil sur la courbe de croissance de la consommation d’électricité, « 4 à 5% par an », qui tutoie celle de la population. « Si nous n’avions pas déjà lancé des campagnes d’économie d’énergie depuis 2016, nous l’aurions dépassé, c’est sûr ! »
La Maîtrise de la Demande en Energie (MdE) n’est vraiment structurée à Mayotte que depuis 2019 et la mise en place du Comité dédié, qui intègre outre EDM, le conseil départemental, président peu présent du conseil d’administration d’EDM, l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie) et la DEAL (la direction de l’Equipement). Un plan stratégique a été mis en place avec 435.000 euros alloués chaque année pour accompagner les investissements des ménages ou des entreprises dans l’amélioration du bâti, notamment sur les protections solaires, la production d’eau chaude avec chauffe-eau solaire, et le remplacement des équipements existants pour gagner en efficacité.
Des actions destinées à économiser des KW/h, à accroitre le mix énergétique (le pourcentage d’énergie non fossiles utilisées à Mayotte est toujours de 5%), et qui ont aussi un impact économique favorable, explique Yann Le Bigot, Ingénieur énergie à l’Ademe, « les transformations à apporter sur les bâtiments génèrent de nouveaux marchés pour les artisans. »
« On peut faire chuter la température de 10° chez soi »
Un peu sur le même modèle que la Cons’eau, les objectifs sont pour la 1ère fois chiffrés : l’économie attendue pour 2020 est de 7Gigawatts/h, de 25GW/h en 2023, avec 7% de chute d’émission de gaz à effet de serre à terme.
A chacun de faire le tour de sa maison donc, et de lister les transformations à apporter pour gagner en bien être, tout en soulageant sa propre facture, « de 30% environ », et en participant à la baisse de la consommation électrique. Des aides* existent, de 600 à 1.200 euros pour un chauffe-eau solaire, 500 à 900 euros pour un remplacement de climatiseurs, 25 euros le m2 pour l’utilisation de Briques en Terre compressée (BTC), « très isolantes », 6 à 8 euros le m2 de peinture thermo-réfléchissante, etc. « On peut faire chuter la température de 10° chez soi ». Le futur lycée de Longoni sera notamment construit en BTC.
Des aides alléchantes aussi pour les commerçants qui pourraient être tentés de relever leurs prix en conséquence, rendant le produit moins attractif. On espère une vigilance de la Direction de la Concurrence et de la répression des fraudes sur ce coup, « mais le marché s’est de lui-même enrichi de nouveau commerçants, assurant une réelle concurrence au niveau des prix », indique l’Ademe.
En tout cas, ça a marché : en 2019, le remplacement de 3.400 climatiseurs, la mise en place de 336 chauffe-eau solaires, de 149 brasseurs d’air, etc., financés à hauteur de 2,8 millions d’euros, ont permis d’économiser la consommation d’électricité annuelle moyenne de 1.000 foyers mahorais.
A titre d’exemple, le promoteur CBO a engrangé un beau montant avec 120.000 euros de prime, on imagine sur le centre Kinga à Kawéni pour avoir suivi les recommandations Mayénergie. ET la municipalité de Koungou, 66.000 euros sur les lampadaires d’éclairage public. Un particulier qui a fait la totale, de l’isolation aux appareils électroménagers, a pu bénéficier de 15.000 euros.
En 2020, confinement oblige, les aides MdE ont un peu moins soufflé le chaud et le froid, une nouvelle campagne était donc nécessaire.
Anne Perzo-Lafond
*Pour tout conseil, Espace Info Energie : 0269 62 06 26 ou eieconseil@naturmay.org