L’ordonnance du 28 juillet 2005, renforcée par les lois du 6 mars 2017 sur l’assainissement cadastral, avaient permis un bond de géant dans l’obtention de titre de propriété.
A Mayotte, comme nous l’avions expliqué, la propriété était restée orale, mais pas pour tout le monde. « Le décret colonial du 4 février 1911 organisait la publicité foncière sur le fondement d’un système qui ne concernait que les personnes physiques et demeurait largement facultatif » (Source Sénat, rapport « Départementalisation de Mayotte : sortir de l’ambiguïté, faire face aux responsabilités »). En clair, il mentionnait ce qui allait se traduire par une injustice majeure : l’immatriculation était rendue obligatoire « en cas d’acquisition par les européens de biens appartenant à des indigènes ». Moyennant quoi, ne pouvaient prouver leur propriété que les occidentaux arrivés sur le territoire.
Le même déséquilibre avait été constaté ailleurs, en Corse notamment, ce qui avait donné lieu à cette loi sur la prescription acquisitive : le possesseur d’un immeuble (parcelle de terrain, bâtiment) qui remplit les conditions, c’est à dire « une possession trentenaire continue, non interrompue, paisible, publique et non équivoque », peut en devenir propriétaire. Le possesseur d’un bien situé en Corse, en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, en Guyane, à Saint-Martin et à Mayotte, devenu propriétaire par prescription acquisitive, a la possibilité de faire constater sa possession dans un acte de notoriété. L’acte de notoriété qui n’aura pas été contesté dans un délai de cinq ans à compter de sa publication prouvera de manière certaine le droit de propriété de celui qui s’en prévaut.
Mais à Mayotte substituait une injustice, a noté la Commission d’Urgence Foncière (CUF), créée par la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer de février 2017, « mais qui n’a effectivement commencé ses travaux qu’à compter de l’automne 2019 », note le sénateur Thani Mohamed Soilihi qui mène ce combat du foncier de longue date, notamment à travers la commission sénatoriale de passage sur l’île en octobre 2016. N’étaient pas concernés « les immeubles en cours d’immatriculation et les droits en cours d’inscription au 1er janvier 2008, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance », rapporte-t-il. « Dans cette dernière hypothèse, les Mahorais voulant s’en prévaloir devront encore attendre dix-huit années. »
Le parlementaire a déposé, le 1er octobre dernier, une proposition de loi afin de remédier à cette inégalité et régler le sort des possesseurs sans titre, ou dotés d’actes qui n’ont pas les caractères du juste titre, en prenant en compte, jusqu’au 31 décembre 2037, la période antérieure au 1er janvier 2008 pour établir le délai de prescription acquisitive de 30 ans.
Anne Perzo-Lafond