On a vu sa silhouette vadrouiller dans et à l’extérieur de notre lagon ce mois-ci, du 1er au 26 octobre : le Marion Dufresne avait à son bord 44 scientifiques et techniciens de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP), du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), de l’Institut national des sciences de l’univers du centre national pour la recherche scientifique (CNRSINSU), dont les laboratoires de l’université Clermont-Auvergne (UCA), de l’Institut universitaire européen de la mer (IUEM) et de l’Université de La Rochelle. Ils ont effectué dans le cadre de la campagne MAYOBS 15, des opérations à bord en étroite liaison avec une dizaine de spécialistes à terre.
Il s’agissait en premier lieu de relever les données des sismomètres de fond de mer (OBS), qui ont permis de localiser plus précisément encore les épicentres des 883 séismes enregistrés par le REVOSIMA (Réseau de Surveillance Volcanologique et sismologique de Mayotte) depuis mai dernier. « Les sismomètres reconditionnés ont été à nouveau immergés pour une nouvelle série de mesures pour une durée de 3 à 6 mois. De nouveaux capteurs ont été déployés en fond de mer pour renforcer le réseau de mesures », indique l’IPGP.
Nous avions suivi les tests de sismiques réflexion pilotée par le BRGM à terre, par envoi de petites explosions afin d’enregistrer leur retour et de connaitre le comportement du déplacements des ondes sismiques. Cette mission REFMAORE avait aussi déployé un réseau temporaire de micro-sismomètres en mer.
6km2 de coulée toujours en cours
Un second magnétomètre a été installé pour la durée de la mission sur l’aéroport de Mayotte.
A partir du navire et d’un engin sous-marin autonome (AUV), MAYOBS 15 a acquis des relevés du fond marin et des images de la colonne d’eau sur une surface d’environ 1500 km² à l’Est de Mayotte.
Tout un panel d’instruments de mesure est donc mis en place, qui a donné des premières images sur l’évolution du phénomène.
Tout d’abord, si la morphologie du volcan n’a pas évolué depuis août 2019, à 6km au Nord-ouest du volcan, « le fond marin a été modifié sur une surface d’environ 6km2 », il s’agit d’une nouvelle coulée, toujours en cours de formation : « Depuis mai 2020, de nouvelles coulées de lave, dont l’épaisseur et le volume sont en cours d’évaluation, ont été émises y compris pendant la durée de la campagne MAYOBS 15. Elles signent la persistance d’une activité éruptive, toujours en cours, à proximité de la zone où sont générés des séismes au Nord-ouest du volcan », sur l’essaim sismique secondaire (la zone la plus éloignée de Mayotte).
Sur l’essaim sismique primaire (le plus prés de Mayotte), les panaches acoustiques déjà observés lors de missions précédentes et associés aux émissions de fluides de la zone appelée « Fer à Cheval », sont toujours présents, à 10 km à l’Est de Mayotte. Un nouveau panache a été observé dans la même zone. Il est en cours d’analyse.
L’alignement d’ancien volcan interrogé
Des échantillons de sédiments ont été prélevés par carottage dans la zone proche de Petite-Terre pour connaitre la nature des sédiments et préciser la chronologie des évènements géologiques passés. Le géologue Saïd Hachim avait notamment rappelé la présence de l’alignement d’anciens volcans sous marins sur cette zone. Intéressant d’en savoir plus donc sur leur comportement. « Couplées aux données de surveillance, ces analyses contribueront à l’évaluation des aléas telluriques dans la zone », indique encore le REVOSIMA.
On parle là d’un risque de tsunami que pourrait provoquer un éventuel effondrement de terrain lié à la vidange de la chambre magmatique. Ce qui s’est déjà matérialisé par l’enfoncement de Mayotte (subsidence) de 10 cm à l’Ouest à 19 cm à l’Est. Le risque tsunami avait été mis en évidence par la mission de sécurité civile qui était venue à Mayotte, et dont la 1ère mesure visible d’anticipation fut la mise en place cette semaine de la 1ère sirène d’alerte de la population à Dembéni.
Depuis les premières observation, le mouvement d’enfoncement s’est stabilisé, indiquait le précédent bulletin REVOSIMA.
Une partie des scientifiques participe à des actions d’amélioration de la connaissance du phénomène lors de l’actuelle « semaine du volcan ».
Anne Perzo-Lafond