L’île a frôlé la catastrophe en 2018, avec seulement 3 jours de stock d’oxygène en réserve. Le docteur Makrem Ben Reguiga, Chef du service Pharmacie à usage interne de l’hôpital, propose alors le projet d’une production autonome d’oxygène. Deux ans après, c’était l’inauguration ce vendredi, en petite pompe en raison des contraintes sanitaires, mais avec une grosse satisfaction, « nous sommes totalement autonomes en oxygène, on respire ! », se félicitaient les initiateurs du projet.
« Face à cette deuxième vague de Covid qui nous touche, nous sommes au moins prêts sur ce secteur, avec moins de tension pour prendre en charge les malades en déficit d’oxygène », se réjouit Issa Issa Abdou, président du conseil de surveillance.
Car la 1ère vague a elle-aussi causé une grande frayeur, « nous avons dû dérouter un navire chargé d’oxygène en début d’année 2020. » En plus du Covid, il faut pourvoir la bronchiolite nécessite de gros besoins.
L’installation au CHM qui était destinée à l’importation et au stockage a été entièrement refaite, pour convertir l’oxygène liquide à partir de l’air ambiant, « donc c’est illimité ! ». Un investissement de 1,2 million d’euros étalé sur 4 ans, « entièrement financé par le CHM, souligne Catherine Barbezieux, directrice du CHM, à mettre en perspective avec les 600.000 euros déboursés chaque année pour les importations, c’est vite rentabilisé ! » C’est que la consommation a quadruplé, « en 2019, nous consommions 100.000 litres sur l’année, c’est ce que nous avons consommé en seulement 3 mois en 2020 à cause du Covid. »
Une installation volontairement surdimensionnée
C’est le 3ème établissement français à être ainsi en autonomie. Aussi rassurante soit-elle, cette avancée n’abandonne pas pour autant les précédentes installations, notamment les deux cuves de stockage d’oxygène de 27 et 10 litres qui trônent à côté, comme l’explique Makrem Ben Reguiga : « La réglementation oblige à conserver 3 sources d’approvisionnement en oxygène. Cette production locale du CHM, doublée d’un stockage de 6 mois d’autonomie en cas de grosse coupure électrique par exemple qui nous bloquerait, et doublée encore par la 2ème cuve, notre ultime recours à laquelle il ne faut pas toucher. »
Pour dimensionner la capacité de production, une marge a été prise : »Nous avons retenue la consommation maximale en période de Covid, et nous l’avons triplée. C’est surdimensionné, mais en sachant que la production s’adapte aux besoins des malades en temps réel. »
La petite unité mise en place par SOL France extrait l’air ambiant, le stérilise et le concentre pour le rendre le plus pur possible, et l’oxygène est séparé du gaz carbonique. Un indicateur affiche la production et les besoins des patients en temps réel. « Là par exemple, ce sont 10m3 qui sont consommés par heure, et nous avons 7.000m3 d’autonomie, donc 30 jours. Nous avons pourtant actuellement 19 patients Covid, mais les réservoirs sont pleins. »
Une fois obtenu les autorisations de l’ARS et de l’Agence nationale de Sécurité du Médicament, il a fallu appliquer les mesures de contrôle interne, anti-déflagration et anti-incendie, « nous avons formé des équipes de maintenance locales, nous sommes indépendants ».
Le risque est maîtrisé mais pas au point d’avoir l’autorisation de remplissage des obus d’oxygène, « mais toutes les prises murales d’oxygène sont approvisionnées. »
Cette nouvelle installation survolée au moment de l’inauguration par l’hélicoptère civil bleu affrété dès le début de la crise sanitaire par l’hôpital, sonnait comme une preuve d’une évolution inéluctable au CHM.
Anne Perzo-Lafond