Scolarisation d’une centaine d’enfants et comité de vigilance : la réponse de Stam à la délinquance

Habitant de Majicavo Dubaï, Combo Bacar Maoulida a ouvert en grand les portes de sa maison pour la transformer en école. Matin, midi et soir, elle ne désemplit pas. Et son comité de vigilance a ramené le calme dans le quartier.

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Ecole, Mayotte
Stam (2e en partant de la gauche) se réjouit de donner un espoir à ces jeunes

Au-dessus de la toiture, sur les hauteurs de Majicavo Dubaï, flotte un grand drapeau français. Impossible de manquer la maison. Après avoir franchi le seuil, nous arrivons sur la cour qui dessert plusieurs pièces, toutes transformées en salle de classe : « Nous scolarisons une centaine d’enfants environ, de 7 à 15 ans », lâche Combo Bacar Maoulida, plus connu dans le village sous le nom de « Stam ».

Tout a commencé par le Comité de vigilance du quartier qu’il a monté avec quelques acolytes il y a 4 mois, pour surveiller nuit et jour le village. Des hommes et femmes, environ 150, qui ont revêtu des gilets jaune et orange, « tous habitants bénévoles de Dubaï », nous explique-t-il. L’un d’entre eux arrive, fatigué mais tout sourire, « je viens de faire 3h du matin-minuit », explique-t-il avant de s’asseoir. Un planning a été élaboré, chacun connaît sa zone et son horaire, « normal, le chef du comité c’est un ancien militaire, l’organisation est carrée ». Et le drapeau français hissé.

Stam dans la cour de sa maison transformée en école

Le week-end dernier pourtant, le quartier était en feu. « Le tir d’un gendarme sur un déséquilibré qui le menaçait a échauffé les esprits. Nous avons eu du mal à rétablir le calme, la gendarmerie a du intervenir massivement ». Ce mercredi soir, l’artère était paisible, gilets jaune et orange à poste.

Leur veille de jour leur a permis d’observer qu’un paquet d’enfants trainait, non scolarisés. « Forcément, ils voyaient les autres aller à l’école, ça ne peut pas fonctionner, eux aussi doivent avoir leur chance. J’ai eu trop mal au cœur, j’ai décidé de dédier ma maison à leur scolarisation, déclare Stam, il s’agit à la fois de protéger les petits et d’encadrer les plus grands. »

Sans financement

Retour de tournée pour un bénévole du Comité de vigilance

Assis par terre une ardoise à la main, beaucoup de très jeunes, « certains sont à Mayotte depuis peu, d’autres attendent d’être scolarisé depuis qu’ils ont l’âge de l’être. Nous avons demandé aux parents de contribuer en achetant un minimum de matériel scolaire ». Matin et après midi, les locaux ne désemplissent pas, des niveaux CP au CM2, et 6ème à la 3ème. Les enseignants sont des bénévoles, certains appartenaient au comité de vigilance, « une femme de gendarme nous épaule aussi ». De manière plus générale, il explique que la gendarmerie nationale soutient le comité de vigilance.

Le comité comme la scolarité ne sont pas financés, « je paie les frais, notamment pour les masques, avec mon restaurant qui fournit les administrations du coin en plats à emporter », déclare Stam qui dort peu, « ma journée commence à 4h du matin, après la prière. » Il a déposé un dossier en mairie pour être accompagné, « mais j’ai préféré lancer le projet de scolarisation sans tarder, parce que les dossiers, ça prend du temps à aboutir. »

Il a contacté le rectorat, « ils vont nous envoyer des devoirs pour les faire travailler, et essayer d’en intégrer dans des écoles du village ». Le recteur Gilles Halbout avait souligné le nombre important d’enfants non scolarisé sur l’île, environ 8.000. Il nous précise que le CASNAV (Centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés) a été alerté, pour accompagner cette « classe itinérante ».

« Nous avons remis les plus violents à la gendarmerie »

Cours pour les plus grands

Et pour ne pas livrer les jeunes à la rue sans avoir travaillé avec les parents, les groupes basculent sur l’école coranique le soir à 18h, « ils sont plutôt fatigués le soir », sourit-il. « Mais tous les vendredis, nous allons réunir les parents, pour leur expliquer que nous travaillons bénévolement pour leurs enfants, et qu’il faut qu’ils participent en surveillant leurs enfants. »

Des accompagnements extérieurs se mettent en place. « Matis devrait nous fournir gilets et casquettes pour le comité de vigilance », et les Céméa qui ont mis en place une action parentalité avec la mairie de Koungou forment les bénévoles du Comité tous les samedis.

Un ado arrive, nonchalant, pour échanger avec le maître des lieux. « Des délinquants sont arrivés l’autre jour en expliquant qu’on gênait leur trafic. Je leur ai proposé une formation à la sécurité, c’est l’association Coup de pouce de Kawéni qui s’en charge. Je les connais, c’est moi qui ai attrapé le jeune qui a poignardé la prof de Majicavo. Je suis allé chez lui pour expliquer à son père que s’il ne faisait rien, c’est lui qui allait se retrouver en prison. D’ailleurs, les plus violents y sont, interpelé par le comité de vigilance et remis à la gendarmerie. Mais il faut en même temps discuter avec les parents, tous les après-midi nous faisons beaucoup de médiation. »

Une marche est programmée avec les jeunes, « encadrée par la gendarmerie », avec une idée en tête, « pour que les autres villages Majicavo Lamir et Koungou, voient notre action. Nous voulons les intégrer, il faut que toute la commune s’organise sur ce schéma. »

Anne Perzo-Lafond

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