Par rapport aux autres régions de la zone océan Indien, Mayotte et les Comores sont moins impactés par les cyclones, « Madagascar servant de barrière naturelle », rappelle Emmanuel Cloppet, directeur interrégional de Météo France pour l’océan Indien. Comme chaque année, il est sur le département pour l’ouverture de la chasse… aux cyclones.
Débutant mi-novembre et finissant le 30 avril, la saison des cyclones met les services de l’Etat en alerte, en raison du « potentiel destructeur » de ces phénomènes, pouvant engendrer des vents de 300 km/h, des pluies intenses des submersions marines, de crues, etc.
Les facteurs aggravants sont le changement climatique, la hausse du niveau des océans, et, à Mayotte, la subsidence, l’enfoncement de l’île provoquée par l’émergence du volcan.
Ce jeudi, les médias ont eu droit à un feedback sur l’historique des cyclones à Mayotte. « On a constaté 16 passages à moins de 200km de Mayotte en 45 ans », rapporte Emmanuel Cloppet, qui revenait sur les 6 dernières années, touchées de plus ou moins prés par Helen en 2014, Kenneth en 2019 et Belna en 2019. Si l’on exclut Kamisy en 1984 qui avait provoqué de nombreux dégât et une victime, les suivants ont été plus cléments, avec des impacts limités.
Pourtant, on se souvient tous de l’alerte rouge en décembre dernier pour un Belna dont la trajectoire allait droit sur Mayotte, avec une cellule de crise en préfecture, « c’est le phénomène le plus marquant de la dernière saison, avec une particularité, il s’est déplacé d’Ouest vers le Sud-Est, alors qu’ils suivent habituellement une trajectoire Est-Ouest ».
Une marge d’erreur de 100km à 24h de l’échéance
Une trajectoire inhabituelle et une période qui l’est tout autant puisque si l’on regarde la saisonnalité des cyclones touchant Mayotte, elle se situe majoritairement en début ou en fin de saison : avril 1984 pour Kamisy, mars 2014 pour Helen, avril 2019 pour Kenneth, décembre 2019 pour Belna. « Nous l’avons remarqué, mais l’échantillonnage est trop faible pour en déduire une tendance, nous répond Emmanuel Cloppet, et en 2008, c’est en janvier que le cyclone FAME avait frôlé l’île donc en pleine saison cyclonique ». Quant à la trajectoire originale de Belna, « il faut savoir que la température de l’océan était très chaude à l’Ouest du Bassin en décembre 2019, l’inverse de cette année ».
En 2020, de « gros progrès en prévisions saisonnières » ont été faits, rapporte l’ingénieur
de Météo France, tout en avouant que la prévision cyclonique opérationnelle est un « exercice délicat ». On l’a vu avec un Belna qui soudainement et au moment de toucher l’île, avait dévié de sa course folle pour s’orienter vers le Sud-Est tout en s’affaiblissant, pour se regonfler ensuite et causer de nombreux dégâts sur Madagascar. « Notre marge d’erreur est de 100km à 24h de l’échéance, et de 200km à 72h, mais nous alertons pour donner le temps aux pouvoirs publics de se préparer. »
Les ingrédients de la saison à venir sont connus en terme notamment de balance entre El Niño et El Niña ou de type de trajectoire ou encore de nombre de systèmes, « en conséquence, nous pouvons déjà dire que les conditions les plus propices à la formation de cyclones sont à l’Est du bassin de l’océan Indien, et nous retrouverons des trajectoires typiques Est-Ouest, ou vers le sud-ouest, c’est à dire que les terres habitées sont menacées, dont la côte Est de Madagascar. » Difficile d’avoir des prévisions fines sur Mayotte, explique-t-il, « un territoire trop petit pour cela ». Sur l’ensemble du bassin, nous aurons de 9 à 12 tempêtes et de 5 à 7 cyclones, « au-dessus de la moyenne ».
Dieu et l’aléa
Un mot est donc à retenir, « vigilance », répété par le préfet et le président de l’association des maires. Pour le représentant de l’Etat, la faible exposition de Mayotte au risque cyclonique est un handicap, « il n’y a pas encore de culture du risque ici. Lorsque nous avons placé le territoire en alerte rouge pour Belna, seules 15.000 à 20.000 personnes étaient venues s’abriter dans les établissements scolaires dédiés, les seuls abris notables que nous ayons à Mayotte ». Ce qui s’est révélé être une fausse alerte, le cyclone ayant dévié de sa trajectoire, n’aide pas à la conscientisation du phénomène, « c’est pourquoi je ne veux pas galvaniser l’alerte, on a trop tendance à déclencher les alertes orange ou rouge en métropole. Mais en revanche, il faut la rendre très au sérieux quand elle sera lancée. Là dessus, les maires ont un grand rôle à jouer. »
Madi Souf, président de l’Association des maires de Mayotte en convenait, « nous sommes trop fatalistes. On pense qu’il suffit d’entrer dans la mosquée pour que ça aille mieux. Il faut être plus vigilants. »
Un point rapide était fait sur le prévisionnel de pluviométrie par Laurent Floch, responsable territorial de Météo France, « pour décembre-janvier-février nous anticipons des précipitations au-dessus de la moyenne, quant à la Zone de Convergence Intertropicale, elle n’est pas encore en vue, ce sera théoriquement pour mi-décembre. C’est à l’Est de la zone que nous avons des cyclogenèses actuellement. »
Anne Perzo-Lafond