Une « plateforme d’ingénierie », Mayotte en rêvait. Demandée par la population mahoraise en 2018, c’était aussi le diagnostic de la ministre des Outre-mer de l’époque, Annick Girardin, d’une sous-consommation des crédits par les outre-mer.
Il s’agit donc d’accompagner les porteurs de projet du département dans le montage, le financement et l’exécution des projets inscrits au contrat de convergence.
Peu à peu, Hadrien Haddak, Sous-préfet chargé de mission auprès du préfet de Mayotte, a constitué son équipe : « J’ai procédé aux recrutements et à la structuration de ce nouveau service depuis novembre 2019. Pour moi l’essentiel était d’assembler une équipe aux profils variés, avec des compétences diverses. » Paris avait validé le principe, et ce sont 6 postes qui ont été créés, dont 5 sont pourvus, et l’un en passe de l’être, « la préfecture s’est battue pour cela ». Ils sont financés en interministériel. « Les 5 chargés de mission ont tous le niveaux de cadre A ou A+, qu’ils soient titulaires ou contractuels », précise-t-il.
La pérennité des postes nous préoccupe évidemment, pour avoir vu sur le métier des ouvrages mis et démis, et le turnover venir gâcher bien des ambitions. « Les postes sont créés pour coller au timing du Contrat de convergence, c’est à dire au moins jusqu’en 2022 », rapporte encore Hadrien Haddak. Il faudra donc relancer la machine ensuite, dans le cadre d’une démarche à mener avec les autres outre-mer concernés.
Cette mission, si vous l’acceptez…
A l’écouter, ça bosse sec ! « La charge de travail est très conséquente », et pour minimiser le turnover, il a boosté ses troupes, « nous sommes une administration de mission, ça sous-entend un fort engagement », leur a-t-il dit. Depuis leur recrutement à Mayotte, certains ont été démarchés pour des mutations, mais ils ont tenus bons, « il faut dire que c’est passionnant ! ».
Le sous-préfet a dès le début pris son bâton de pèlerin pour aller visiter les communes à peine les nouveaux élus ceints de leurs écharpes tricolores, « 22 visites des mairies et des intercommunalités ». Intégrée dans les services du SGAR à la préfecture, la plateforme d’ingénierie apporte un appui aux communes et aux intercommunalités dans le montage et la conduite de leurs projets. « Nous appuyons aussi tous les porteurs de projets de l’île ». Les chargés de mission ont chacun un portefeuille géographique et thématique, induisant des spécialisations et un approfondissement du travail avec les équipes des collectivités.
La plateforme est d’abord intervenue pour accélérer le versement des restes à payer dus par l’État aux collectivités locales. Il s’agit d’accélérer le paiement du solde des subventions octroyées aux communes qui ont engagé des dépenses. Plus vite ces restes à payer sont versés, plus vite les entreprises sont elles-mêmes payées par les communes et les intercommunalités.
Et bientôt les ponts et les déchetteries
Le confinement a rendu la programmation de projets difficile, mais au final, le bilan est plutôt bon : « Nous avons consommé 100% des fonds du programme budgétaire outre-mer du Contrat de convergence que gère la plateforme. Nous avons dû demander des crédits supplémentaires. » Rare. On retrouve dans la programmation des infrastructures pour la gestion des eaux pluviales, des plateaux sportifs, des compléments financiers pour les halles de pêche, des aménagements sur les routes communales, et également des travaux d’alimentation en eau potable en lien avec le SMEAM, ou des projets associés aux construction scolaire du 2ème degré, « notamment sur le lycée du bâtiment », etc.
Parmi ces projets, certains sont inscrits sur d’autres comités de programmation, c’est le cas de l’eau. Avec des risques de doublons. Hadrien Haddak explique que « le Contrat de convergence couvre tout un champ de politiques publiques. Les grandes masses, tournent autour notamment des écoles, du logement, de la mobilité, qui tracent une voie à laquelle il faut nous tenir si l’on veut parvenir à développer le département. »
En parallèle, la plateforme d’ingénierie lance des initiatives pour accompagner la montée en puissance des collectivités territoriales. Elle développe par exemple un programme de formation avec le CNFPT pour sécuriser les dépôts de demande de subvention, une étape complexe pour les non-initiés.
Et l’équipe d’ingénierie va faire des petits dans les communes, puisque en 2021, seront également subventionnés les recrutements d’ingénieurs de projet par les communes et les intercommunalités. « Leur salaire sera pris en charge pour 2 ans jusqu’au plafond de 45.000 euros annuels. » Le type de profil recruté sera encadré par la préfecture.
Plusieurs nouveaux projets sont visés par les ingénieurs, « après avoir financé plusieurs tronçons de route, il faudra s’attaquer rapidement au sujet des ponts, des premiers travaux interviendront en 2021. La plateforme porte aussi une attention particulière au développement de déchetteries, aux travaux de gestion des eaux pluviales, au réaménagement des cimetières et aux projets environnementaux. Ce sont des thématiques que nous ambitionnons de financer plus massivement en 2021. »
Hadrien Haddak quitte Mayotte cette semaine, pour prendre un poste au ministère de l’Intérieur. Il est remplacé par Maxime Ahrweiler, précise-t-il, « nous sommes en phase de passation de dossier. » Egalement énarque, cette dernière avait déjà montré ses talents en 2018 dans ce même service du SGAR, où des dossiers avaient été remis sur les rails.
Anne Perzo-Lafond