Le nouveau dispositif présenté ce mardi à Kawéni en face des locaux de l’Apajh se veut innovant, et il l’est. Mieux, il ambitionne de devenir « un exemple » pour le reste du pays en matière de prise en charge des demandeurs d’emploi en situation de handicap.
Mais il est aussi le révélateur d’un énorme retard propre à Mayotte dans ce domaine, et ce, à tous les échelons. Cela commence dès la MDPH, la maison départementale des personnes handicapées, qui accorde le statut de travailleur handicapé, lequel donne droit à des aides spécifiques. Au Pôle Emploi de Mayotte, Jean-Christophe Baklouti confirme ne compter parmi ses demandeurs d’emploi qu’1% de personnes reconnues comme handicapées, soit tout juste une centaine de demandeurs sur les quelque 14 000 inscrits.
Or, constater ce qui ne marche pas ne fait pas avancer les choses. Dès lors la fédération Apajh a proposé de chapeauter une mesure expérimentale au doux nom de plateforme de parcours renforcé d’accès à la professionnalisation (PPRAP). « Il s’agit ni plus ni moins d’accompagner les demandeurs d’emploi en situation de handicap », explique le directeur de Pôle Emploi. Un accompagnement « délégué » aux associations partenaires qui bénéficient d’une meilleure expertise que le service public en termes d’analyse des besoins et de solutions personnalisées.
La PPRAP, plus qu’une plate-forme, se veut un parcours complet, du bilan des besoins à l’accès à l’emploi et au suivi dans celui-ci en passant par l’accompagnement médico-social et l’élaboration du projet professionnel et la formation.
Jean-Louis Garcia, président de la fédération Apajh, a fait le déplacement à Mayotte pour l’occasion. Il salue le démarrage de ce dispositif, « un rassemblement de partenaires, chacun avec leurs compétences, avec l’objectif de rapprocher la personne en situation de handicap de l’emploi. On sait fort bien qu’avant même la Covid, être en situation de handicap c’est être deux fois plus au chômage que tout concitoyen. Et être une femme c’est en être encore plus éloigné. Or pour une citoyenneté pleine et entière, un levier c’est l’école, l’éducation, la formation, et trouver sa place (…) avec l’éloignement de l’emploi c’est extrêmement difficile de raccrocher les wagons. »
Le dispositif prévoit de pouvoir accompagner 40 personnes « en file active » soit bien plus sur le long terme, mais aussi les entreprises. « On ne peut pas imaginer être heureux de placer une personne en situation de handicap dans un entreprise sans accompagner l’entreprise, ça peut être difficile, l’entreprise accueillante peut ne pas avoir tous les outils pour remettre la personne dans le chemin où elle doit être » poursuit Jean-Louis Garcia. « Nous lançons quelque chose qui est unique en France, ce qu’on est en train de poser ici, la métropole et les autres DOM ont intérêt à le regarder (…). Quand avec une personne en situation de handicap on fait bouger la société, ça aide l’ensemble de la population, à Mayotte quand on se promène, qu’on regarde les trottoirs et qu’on se demande comment un ami en situation de handicap peut se déplacer, on voit bien les difficultés. On voit aussi dans d’autres villes que quand on adapte la circulation dans la cité, ça ne profite pas qu’aux personnes en situation de handicap. On n’est pas dans l’intérêt particulier mais bien dans l’intérêt général. »
Y.D.