Avec « un décès tous les trois à quatre jours » ces derniers temps, la deuxième vague n’épargne pas Mayotte où deux patients supplémentaires viennent de succomber à la Covid-19. L’un étant en réanimation depuis plus d’un mois, l’autre avait été admis plus récemment. Toutefois les hospitalisations restent relativement faibles selon l’Agence régionale de santé, au regard de la première vague. Plusieurs critères l’expliquent. D’abord, la première vague avait été marquée à Mayotte par une combinaison Covid-dengue qui a conduit à un engorgement du CHM. Ensuite, le nouveau coronavirus est mieux connu, et mieux traité explique en substance Dominique Voynet, directrice de l’ARS. De fait, les traitements à base de corticoïdes et d’anticoagulants permettent de mieux soigner l’orage cytokinique, une réaction en chaîne due à l’inflammation des poumons causée par la réponse immunitaire de l’organisme et non au virus en lui-même.
En résumé, le virus inquiète moins qu’il y a 6 mois à Mayotte où la population est jeune, où les plus âgés vivent en famille et non en Ehpad, et où l’on vit plus volontiers dehors qu’enfermé en milieu clos.
Les bonnes nouvelles s’arrêtent là, pour le reste, tout indique que la vigilance reste de mise. A fortiori à l’approche des fêtes de fin d’année.
« L’épidémie n’est pas terminée, la situation est un tout petit peu en train de se dégrader en cette période » regrette Dominique Voynet. En cause selon elle, « une forme de lassitude face au Covid ». Résultat, « aujourd’hui on peut affirmer que le Covid est toujours là, on a toujours une incidence du Covid qui dépasse les 50 cas pour 100 000 habitants chaque semaine, avec 63,7 ce jour. L’évolution nous indique que l’épidémie ne régresse pas. Après plusieurs semaines d’érosion du taux de positivité, on est de nouveau dans une phase ascendante. On a eu plusieurs semaines des R0 inférieurs à 1. Depuis une 10aine de jours il est repassé entre 1,1 et 1,3 selon les communes. 8 ont un R0 supérieur à 1. »
« Le virus remonte vers le Nord »
Bouéni « où l’incidence est supérieure à 200 » est parmi les communes les plus touchées, mais le virus « remonte vers le nord » prévient la directrice de l’ARS. « Mtsamboro avait été très touchée en première phase, c’était calme ensuite, ce n’est plus le cas. »
Par ailleurs, « on a un nombre important de seniors positifs » même s’ils ne sont « pas forcément dans des situations graves ».
« Tout ça justifie qu’on soit vigilants », alerte Dominique Voynet. « Les fêtes sont des occasions extraordinaires de circulation du virus. Aux USA, Thanksgiving a donné lieu à une explosion des contaminations et des décès. A la fin de la semaine c’est les vacances à Mayotte, on va avoir envie de faire la fête, c’est vraiment une préoccupation que de rappeler les gestes barrière. »
Parmi les gestes à adopter également, le recours au test. « On n’est pas saturé » salue la directrice de l’ARS qui regrette toutefois que « les gens ne ressentent pas le besoin de se faire tester parce que l’épidémie n’est pas trop préoccupante ici ». Il en résulte une augmentation des cas de patients qui consultent un praticien alors qu’ils présentent des symptômes.
Des tests d’autant plus utiles que l’analyse et la centralisation des résultats des tests antigéniques est désormais bien rodée, avec « deux semaines de flottement » dues au logiciel national qui recense les cas positifs.
Conservation à -80°C
Quant au vaccin, il devrait prochainement arriver à Mayotte mais sera comme ailleurs réservé aux patients les plus à risque. Dominique Voynet rappelle en effet l’existence de « contraintes techniques qui rendent complexe la mise en place de la vaccination. Les vaccins Pfeizer et Moderna nécessitent une conservation à -80°C. Les vaccins qu’on va recevoir devront être utilisés dans les 5 à 6 jours une fois le carton ouvert. On est en train de négocier avec le ministère des conditions d’administration du vaccin pour les personnes les plus fragiles, on a 2 à 4 semaines pour préparer la campagne vaccinale. On doit mettre en place les circuits pour ne pas passer à côté des situations les plus à risque. La vaccination se fait avec 2 injections séparées de 21 à 28 jours, il faut donc aussi être sûr de revoir les personnes après la 1e injection. » Et de préciser que le vaccin sera « totalement gratuit » et sans condition d’affiliation à la sécurité sociale, condition sine qua non pour freiner la propagation du virus à Mayotte.
Pour rappel, « les rassemblements de plus de 6 personnes sont toujours interdits » dit Dominique Voynte. Toutefois, « le préfet annoncera peut-être dans les jours qui viennent un assouplissement de ces règles ». Il n’y a selon elle « aucune raison qu’on durcisse les règles à Mayotte, on a ici une situation incroyablement confortable par rapport à la métropole. Mais ça arrivera durant les vacances si les gens font n’importe quoi. »
Les progrès médicaux sont donc bien là, reste le bon sens de chacun pour que le « bonne santé » en 2021 ne soit pas un vœu pieu.
Y.D.