« Si vous êtes apiculteur, l’Observatoire des Violences c’est votre chombo, si vous travaillez dans un labo, c’est votre microscope », lançait Mouhoutar Salim, directeur adjoint de l’ARS Mayotte. Des Assises, des séminaires, Mayotte n’en manque pas, « mais cette fois c’est différent », assure-t-il, secondé par le recteur Gilles Halbout, « ce n’est pas un machin de plus ». Ce dernier revenait sur les raisons qui l’ont incité avec Mouhoutar Salim et le procureur Miansoni à lancer ce concept original, qui regarde le phénomène de violence sous un prisme scientifique : « Ces violences s’expriment sous différentes formes, elles ont des causes différentes. Il faut les analyser. »
En dehors de quelques actions de prévention très efficaces, le problème n’a jamais été évalué sous un autre angle que « tous en prison ». Or, ils en ressortent un jour ou l’autre, et parfois comme délinquant aguerri. « Ce n’est pas une réponse satisfaisante », et c’est Virginie Bénech, magistrate, qui le dit, « la violence est l’expression d’une colère, qui elle-même vient de souffrances endurées. En tout cas, elle perturbe le contrat social qui lie les citoyens. Il faut essayer de comprendre l’origine de ces souffrances. »
« La violence, le plaisir du mal imposé à autrui »
Haïdar Attoumani Saïd, co-président de la Fédération des Conseils de Parents d’élèves (FCPE), initiait d’ailleurs en partie le travail à mener : « Tous les établissements sont touchés par les violences scolaires, qu’elles soient entre élèves ou envers les adultes. Car si les plus médiatisées sont les violences physiques ou sexuelles, elles sont très nombreuses à être verbales, par des petites phrases. Le professeur de philosophie Bernard Defrance explique que, se battre chez le jeune, c’est un signe de bonne santé pour lui, que cela prouve sa capacité à lutter contre le stress et à se maintenir en bonne santé physique. Il dit aussi que la violence est un plaisir du mal imposé à autrui. Qu’il ne faut pas le nier, mais l’utiliser progressivement au sein d’un apprentissage. Et enfin, qu’il s’agit d’apprendre la loi, pour apprendre à y obéir et non s’y soumettre passivement. » On le voit, un défi énorme est devant nous.
Cette capacité à intégrer les règles, Sitinat Bamana, inspectrice académique, appelait à y travailler en classe : « Le concept de la justice chez le jeune doit commencer à l’école par l’enseignement du règlement à respecter. Il faut ensuite travailler sur son environnement et son accueil à l’école. »
L’aspect multifactoriel de ces violences implique une répartition de leur analyse selon 4 Pôles de compétence : le rectorat sur les violences scolaires, la préfecture sur les violences conjugales, la Caisse d’Allocation familiale sur les violences intrafamiliales, et le conseil départemental sur les violences sur l’espace public, le Tribunal judiciaire arrivant comme producteur de données officielles. Le conseil départemental doit financer la mission d’accompagnement de préfiguration de l’Observatoire à hauteur de 360.000 euros, annonçait le vice-président Issa Issa Abdou.
Des violences territorialisées
Plus qu’une caution scientifique, les 3 universités partenaires feront bénéficier l’OVM de leur spécialité, juridique pour Aix-Marseille, anthropologique pour La Réunion, et la connaissance du territoire pour le CUFR de Dembéni, réunies au sein du Comité scientifique. A ses côtés, le Comité technique, composé des directions des structures membres, et le Comité de pilotage.
Le parcours suit des « jalons bien précis », indiquait Gilles Halbout, après cette signature ce mercredi des convention entre CD, rectorat, préfecture et parquet : « Le premier prendra forme lors du Congrès pour la parentalité et la jeunesse, fin janvier-début février 2021, avec propositions de pistes concrètes. Le deuxième sera nourri d’une analyse de terrain après une partition du territoire en grandes zones de découpage des intercommunalités, car nous pensons que les violences du Sud, du Centre ou de Petite Terre ne sont pas de même nature. »
Entretemps, de nouveaux textes viendront enrichir la réflexion, nous avions rapportés les six premiers, dont une partie évoquait entre autre l’impuissance des parents à transmettre des valeurs compatibles avec l’évolution de la société, et l’autre mettait le doigt notamment sur une symbiose non encore trouvée entre la culture mahoraise et les « nouveaux outils de la République ».
« C’est un moment important pour sortir d’une situation compliquée », notait Issa Abdou. Début janvier, le Comité technique et le conseil scientifique, seront mis en place, mi-février ce sera la présentation des enquêtes du rectorat, et du modèle d’observatoire, qui sera physiquement installé début septembre.
Anne Perzo-Lafond