La réforme de la formation professionnelle pas encore opérationnelle à Mayotte

Vous n’avez jamais entendu parler de l’APIFPAM ? C’est déjà mauvais signe. Cet acronyme à la sonorité d’une bonne paire de claques, doit réveiller la formation professionnelle. Elle doit accompagner l’autonomisation de l’individu dans son évolution au long de sa vie.

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CREFOP, APIFPAM, Mayotte
David Bertelle : "Seuls 25 dossiers ont été finalisés"

L’Association pour la Promotion de l’Insertion et de la Formation Professionnelle A Mayotte (APIFPAM) a reçu l’année dernière la confiance de l’organisme public France Compétences pour déployer un des outils de la réforme de la formation professionnelle, le Conseil en Evolution Professionnelle (CEP).

La réforme est censée rendre le salarié ou le travailleur indépendant autonome dans sa formation tout au long de sa vie. Le Conseil en évolution professionnelle (CEP) est un dispositif d’accompagnement gratuit et personnalisé pour toute personne souhaitant faire le point sur sa situation professionnelle. Il permet, s’il y a lieu, établir un projet d’évolution professionnelle (reconversion, reprise ou création d’activité…). Depuis le 1er janvier 2019, Le Compte Personnel de Formation (CPF) d’un salarié à temps plein est crédité de 500 euros minimum par an, avec un plafond fixé à 5.000 euros

Mais de la noble intention à la réalité, il y a un pas, nous explique David Bertelle, directeur d’APIFPAM-CIBC OI, qui doit donc déployer du conseil en formation : « Les salariés ne sont pas informés de cette mutation. Ils disposent de 500 euros par an qu’ils peuvent cumuler, pour faire la formation de leur choix, mais ils ne sont pas dépensés. Tous les deux ans, lors de l’entretien individuel de formation, l’entrepreneur doit pourtant évoquer le CEP avec le salarié, pour lui permettre soit d’évoluer au sein de l’entreprise, soit de créer sa propre entreprise. »

Si ses propres droits à la formation sont calculés automatiquement à partir des déclarations des employeurs chaque année, il est possible de suivre leur montant sur son compte formation (référence ci-dessous). APIFPAM est aussi là pour épauler le salarié.

La formation ou la démission

L’APIFPAM a intégré la permanence téléphonique nationale pour le CEP

Si avant la réforme, le salarié devait passer par son employeur et l’AKTO, désormais, il gère son compte en autonomie. Mais les candidats ne se bousculent pas. Alors que jusqu’à 4.300 actifs pourraient être touchés par le Conseil en Évolution Professionnelle selon le site de l’APIFPAM, seules 134 personnes ont sollicité un accompagnement, 122 se sont engagées dans une demande d’évolution, « et 25 seulement sont finalisées. Avec des employeurs qui, in fine, ont refusé la demande de formation. » L’autonomie n’est pas encore acquise. La solution, trois d’entre eux l’ont trouvée, « ils ont démissionnés pour créer leur entreprise », rapporte David Bertelle. Le dispositif « Démissionnaire », est d’ailleurs prévu dans la loi.

L’émancipation a donc ses limites. « Certains patrons veulent garder le salarié quand il est efficace, et ils sont souvent effrayés à l’idée de leur départ pendant 6 à 8 mois. Mais généralement, un salarié qui n’arrive pas à se former, finit par quitter l’entreprise. Donc l’entrepreneur est perdant. » Surtout qu’il peut recruter en CDD pendant la formation, et par la suite, soit le salarié est monté en compétence et peut prétendre à un poste supérieur, soit il reprend sa fonction.

David Bertelle rapporte le cas d’une secrétaire qui s’est vu refuser une formation d’assistante en Ressources Humaines, « alors que le territoire est en grand besoin. Il faut garder à l’esprit que l’évolution de poste et l’accès à la formation diplômante tous les 6 ans est une obligation pour l’entreprise, en plus des formations obligatoires ». Le gendarme qu’est la Dieccte sévit peu, vraisemblablement en raison d’un déficit de moyens.

Booster la volonté des acteurs

Accompagnement des salariés dans leur évolution professionelle

Autre frein, le déficit de formations diplômantes à Mayotte. « Certaines organismes de formation ne s’en sont pas saisi. Quand on les invite à proposer des formations de qualité, on entend parfois répondre que c’est trop cher. Or, les salariés qui ont été informés du CEP sont les plus diplômés, et partent donc trouver leur bonheur en métropole ou à La Réunion. Ce qui accroit les coûts, alors que l’enveloppe de Transition Pro est réduite. »

Acteur majeur de la formation professionnelle, Transition Pro finance les actions de formation à hauteur de 100.000 euros environ. « C’est peu, mais la prochaine enveloppe sera encore plus réduite si nous continuons à ne pas consommer. » Il va donc falloir monter d’un cran dans le volontarisme pour appliquer une loi qui fonctionne en métropole, selon le directeur de l’APIFPAM.

Partenaires sociaux, organismes de formation professionnelle, chefs d’entreprise, Conseillers en formation… chacun semble vivre sa vie dans son coin autour du salarié. Une structure a pourtant été créée pour faire du lien, le Comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP), « la mobilisation des acteurs est difficile », répond sobrement David Bertelle.

On attend des réactions donc, notamment cette structure qu’on nous a vendu à grand renfort de ministre du Travail.

Pour contacter le conseil en formation professionnel, composer le 0972 01 02 03 (non surtaxé), ou cliquer sur le site du CEP.

Anne Perzo-Lafond

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