Méconnus du grand public, les Conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD ou CISPD) existent depuis 18 ans en métropole, déclinés en 2012 à Mayotte. Il réunit les acteurs de la sécurité et de la prévention de la délinquance, aussi divers soient-ils, on retrouve ainsi le préfet, le procureur de la République, le président du conseil départemental, des représentants des services de l’État, d’associations, et d’organismes œuvrant dans les domaines de la sécurité, de l’aide aux victimes, du logement social ou encore des transports collectifs. Ils sont animés par les maires ou les présidents d’intercommunalités. Leur création est obligatoire dans les communes de plus de 10.000 habitants et dans celles comprenant un quartier prioritaire de la ville.
A Mayotte, selon le site de la préfecture, 15 CLSPD ont été mis en place, et un CISPD en Petite Terre, « les 17 communes du département sont concernées ».
Décriés à leur création ici, ils ont commencé à porter leurs fruits dans les communes qui se les ont appropriés. Il ne s’agit pas comme trop souvent pour le maire de réunir un CLSPD lorsque des émeutes ou des difficultés touchent le territoire, mais bien d’un travail concerté en amont, d’informations partagées entre les acteurs pour mettre en place des actions de prévention de la délinquance. Mais le concept n’est pas évident à maitriser comme le montre un rapport national des députés Stéphane Peu (GDR) et Rémy Rebeyrotte (LREM).
« Si l’utilité des conseils de sécurité et de prévention de la délinquance fait aujourd’hui l’objet d’un consensus, ils n’ont pas encore déployé tout leur potentiel et font face à plusieurs défis », constatent-ils.
« En 2018, 11.181 jeunes ont fait l’objet d’un suivi individuel »
Ces échanges entre des acteurs qui ont parfois peu l’habitude de travailler ensemble, concernent notamment des informations confidentielles relatives à des situations individuelles, apprend-on : « En 2018, sur 98 départements, 11.181 jeunes ont fait l’objet d’un suivi individuel dans le cadre des groupes de travail des CSPD ».
Mais toutes les communes de France n’utilisent pas cet outil efficacement : « On estime à un tiers ceux qui ne fonctionneraient pas. Un tiers se contenterait d’une réunion annuelle en formation plénière, et seulement un tiers serait « actif » – sont considérés comme « actifs » les CSPD qui se réunissent au moins une fois par an, qui sont animés par un coordonnateur et qui comportent une déclinaison opérationnelle grâce à un contrat local de sécurité ou à une stratégie territoriale structurée en groupes de travail ».
Et ces CSPD sont déployés inégalement entre l’Hexagone et l’outre-mer, « au détriment de ce dernier et alors même que certains territoires ultramarins font face à des défis importants en matière de prévention de la délinquance ».
Autre problème, la réunion de partenaires parfois non consentants, puisqu’ils proviennent « de cultures administratives différentes ». Un exemple : « l’approche ‘sécuritaire’ des forces de l’ordre s’oppose à l’approche plus ‘sociale’ des travailleurs sociaux et de l’éducation nationale ».
Amoncellement d’initiales
En outre, on a vaguement l’impression qu’à chaque problème social répond une nouvelle organisation dans notre pays. S’enchevêtrent notamment les groupes de partenariat opérationnels (GPO) chez la Police nationale, les groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD) chez les procureurs de la République, et donc les CLSPD. Si le rapport les juge « complémentaires », cette diversité nuit à l’action, « certains acteurs nous ont dit avoir le sentiment que les dispositifs s’empilent, sans cohérence d’ensemble. » Surtout qu’il faut dégager des moyens humains pour participer activement à ces réunions, et les procureurs ont fait remonter un déficit dans ce domaine.
Acteurs clef du CSPD, les coordonnateurs sont néanmoins en nombre insuffisant. « Sur les 805 CLSPD qui existaient en 2018, seuls 574 coordonnateurs étaient recensés », notamment en lien avec des difficultés de recrutement.
Au regard de ces difficultés, les deux députés formulent plusieurs propositions, ayant donné lieu à trois amendements à la proposition de loi relative à la sécurité globale. Ils ont été adoptés en première lecture le 24 novembre dernier.
Proposition n° 1 : Étendre l’obligation de création d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance aux communes qui comprennent entre 5.000 et 10.000 habitants.
Proposition n° 2 : Rendre obligatoire la désignation d’un coordonnateur au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance des communes de plus de 10.000 habitants.
Proposition n° 3 : Renforcer les moyens de communication sur les conseils de sécurité et de prévention de la délinquance, à destination en particulier des élus locaux des zones rurales. Notamment par les préfets
Proposition n° 4 : Accompagner la multiplication des conseils de sécurité et de prévention de la délinquance et des groupes locaux de traitement de la délinquance d’une réflexion sur les moyens humains des différentes parties prenantes.
Proposition n° 5 : Associer des habitants à l’élaboration des contrats locaux de sécurité.
Proposition n° 5 bis : Laisser la décision de la participation des habitants aux séances plénières des conseils de sécurité et de prévention de la délinquance à la discrétion des élus locaux, en fonction des caractéristiques du territoire
Proposition n° 5 ter : Associer les conseils citoyens, ou d’autres instances représentant les habitants, aux séances plénières des conseils de sécurité et de prévention de la délinquance. « Par exemple, à Rennes, des habitants référents désignés par les conseils de quartier sont conviés aux séances plénières du CLSPD. »
Proposition n° 6 : Renforcer les groupes locaux de traitement de la délinquance
Proposition n° 7 : Faire appel à l’intelligence locale pour améliorer la synergie des instances qui œuvrent en matière de sécurité. Par exemple, la remontée d’information des GPO vers les CSPD doit être effective.
Proposition n° 8 : Clarifier l’articulation et les rôles respectifs du contrat local de sécurité, des conseils de sécurité et de prévention de la délinquance, et des groupes opérationnels.
Ils supposent qu’en faisant « vivre le volontarisme local », les CSPD seront stimulés pour bénéficier à la société toute entière.
Consulter le rapport Mission Evolution et l’amélioration des CSPD
Anne Perzo-Lafond