Kaz’a nyamba, la maison des tortues prête à éclore

Avec un budget désormais bouclé et une demande de permis de construire en passe d’être déposée, une nouvelle étape est franchie dans le projet de centre de soins des tortues porté par l’association Oulanga na nyamba. L’occasion de faire le point sur cette future maison qui se veut tant celle des tortues que celle des hommes.

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Kaz'a Nyamba : En forme de U, le centre sera divisé en une partie dédiée aux soins accompagnée d'un laboratoire, d'un espace administratif et d'un espace pédagogique donnant sur les bassins.

Lorsque l’on porte une maison comme celle des tortues, « rien ne sert de courir, il faut partir à point ». Kaz’a Nyamba en est un témoignage. Et c’est en 2015 que commence sa route. Cette année-là, le Parc naturel marin lance une étude de faisabilité pour la mise en place d’un centre de soins dédié aux tortues. L’association Oulanga na nyamba joue alors le lièvre et saute sur l’occasion. « Pendant plusieurs années, nous avions accueilli des tortues en détresse mais dans des conditions pas du tout optimales. Un centre de soins c’est des équipements adéquats, des soignants qualifiés et ne serait-ce que des pompes pour renouveler l’eau du bassin… Nous, nous n’avions rien de tout ça, on changeait l’eau avec des seaux, n’étions pas qualifiés etc. », se souvient Jeanne Wagner, la directrice de l’association dédiée à la préservation des tortues marines de Mayotte. Oulanga na Nyamba décide ainsi « d’en finir avec le bricolage » et de porter un dossier sérieux aux côtés du Parc marin.

Caravane de partenaires

Jeanne Wagner

Le chemin est long. « Ça a bien sûr pris du temps car à cette époque nous étions une toute petite asso, totalement bénévole, il a fallu que nous nous développions pour nous sentir prêts à porter un projet de cette ampleur », rappelle Jeanne Wagner, désormais détentrice d’un certificat pour l’accueil des tortues et accompagnée de plusieurs salariés dédiés au projet de centre de soins. Une équipe qui s’est échinée à trouver un terrain, des partenaires et des financements. Pour le premier, une parcelle s’est débloquée au niveau du boulevard des crabes avec l’aide de la mairie de Dzaoudzi-Labattoir. Les aides ont suivi, les soutiens aussi. Office français de la biodiversité, Conseil départemental, communauté de communes de Petite-Terre, Mairie de Dzaoudzi-Labattoir et la préfecture avec les précieux fonds européens, c’est toute une caravane de partenaires qui s’est mise en marche derrière les tortues et leur maison. Jusqu’à boucler, il y a peu, le budget d’1, 8 million d’euros requis.

Autant de succès établissant les fondations et qui doivent conduire à la pose d’une première pierre en mai prochain. Après une demande de permis de construire déposée dans le courant de ce mois de janvier. Une nouvelle étape symbolique dans ce projet qui se veut exemplaire sur le plan du développement durable. Auto-suffisant en énergie et en eau, construit en bois issus de forêts à gestion durable, « il nous fallait un bâtiment à l’image de l’association, qui respecte nos principes », pointe Jeanne Wagner. Et qui permette de concrétiser les deux ambitions d’Oulanga na nyamba.

Six grand bassins permettront d’accueillir au moins 10 tortues. Les bassins pourront être séparés pour augmenter les capacités d’accueil car « on pense être rapidement saturés ».

La première; celle de soigner les tortues, évidemment. À cet effet, une plateforme pourvue de six bassins doit permettre d’accueillir un minimum de 10 tortues. L’association voit large « car on a l’impression qu’on va être rapidement saturés », indique Jeanne Wagner. Comme pour illustrer le propos, un pêcheur vient l’interrompre pour lui signaler des braconnages en Petite-Terre… Qu’elles soient victimes d’hameçons ou d’une collision qui leur aura brisé la carapace, c’est donc ici que les tortues trouveront refuge pendant plusieurs mois. À l’étage, un laboratoire viendra compléter le volet sanitaire, attenant à l’espace illustrant le second pilier du projet : un espace pédagogique vitré donnant sur la plateforme de soins et les bassins.

Associer la population au projet

Car, finalement, « c’est vraiment ça l’objectif, créer une nouvelle relation entre les hommes et les tortues, utiliser ce lieu comme levier de sensibilisation. Soigner 24 tortues par an, c’est bien mais ce n’est pas ça qui va changer la donne, c’est plutôt tout le travail pédagogique autour qui pourrait le permettre », analyse la directrice de l’association. Laquelle mise sur quelques 7 000 visites par an et pléthore d’initiatives permettant d’intégrer la population à la préservation des tortues.

« C’est seulement comme cela que ça marchera. Car pour être soignées, il faut que les tortues soient signalées. Aujourd’hui, il y a encore certaines personnes qui sont entre-deux, qui, en voyant une tortue dans le besoin se demandent s’ils la signalent plutôt au Remmat ou s’ils la vendent pour sa viande. On doit parvenir à les convertir en leur donnant de la reconnaissance, les intégrant au projet, les rendant fiers de leurs actes », poursuit Jeanne Wagner, l’optimisme en carapace.

L’espace pédagogique donnera sur la plateforme de soins et les bassins. Toujours dans l’idée de « créer une nouvelle relation entre les tortues et les hommes ».

Une énergie nécessaire car encore un peu de chemin reste à parcourir pour espérer une ouverture de la maison des tortues courant 2022. D’ici là, Oulanga na Nyamba compte bien « faire de ce projet celui de toute la population. » Car s’il faut partir à point, « ensemble on va plus loin », répond le proverbe.

G.M.

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