Grève des sages-femmes : contre un statut hybride qui jette le flou

Des blouses blanches qui voient rouge… Les sages-femmes se revendiquent comme professionnelles de santé et veulent être reconnues comme telles par l'application du statut médical. Peu habituées à battre le pavé, elles se sentent oubliées par le Ségur de la Santé.

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Une mobilisation en rouge et blanc très suivie

L’heure très matinale de leur rassemblement en disait déjà long sur leur détermination : dès 6h ce mardi matin, des sages-femmes convergeaient vers le Centre Hospitalier de Mayotte (CHM). Portant leur blouse blanche et arborant un ruban rouge, marqueur du mouvement intitulé « Sages-femmes code rouge », elles diffusaient leur liste de revendications à chaque automobiliste ou motard de passage, « personne ne doit ignorer notre profession, nous demandons à chacun de signer notre tract », nous explique l’une d’elle.

L’ONSSF, vous connaissez ? Non ? C’est assez normal, l’Organisation nationale syndicale des sages-femmes, pourtant syndicat majoritaire de la profession, n’étant pas un habitué des blocages et autres mouvements sociaux. « Nous sommes trop gentilles, notre profession est tournée sur l’attention portée à l’autre, on prend du temps, résultat, la liste des revendications est longue », rapporte Cloé Mandard, Présidente de l’Ordre départemental des Sages-femmes, en nous tendant les 4 pages de pistes pour revaloriser leur profession.

Petit florilège de pancartes

Le « Code rouge », utilisé comme symbole, est déclenché lors de l’accouchement, synonyme d’extrême urgence avec un pronostic vital engagé pour le fœtus ou la maman. Sur l’ensemble du pays, c’est donc un signal d’alerte fort à destination du ministre Olivier Véran, accusé de les avoir oublié lors du Ségur de la Santé, qui consacre 8,2 milliards d’euros à la revalorisation des métiers des établissements de santé, dont 183 euros bruts par mois pour les sages-femmes. Une reconnaissance qui n’est pas au rendez-vous, selon elles. « Au sein du Ségur, nous avons été reléguées en professions paramédicales, alors que nous sommes personnel médical selon la loi, notre profession est régie par le Code de la Santé publique ».

Un statut hybride qui jette le flou, « lors des premières mesures de prévention contre le Covid, nous avons été oubliées dans le prévisionnel de masque ! » Ou encore, lors des urgences obstétricales, « elles sont intégrées dans les statistiques des naissances, et non dans les actes médicaux d’urgence ».

9 postes vacants en PMI à Mayotte

En réalité, c’est la profession même qui est méconnue du grand-public, « et même des médecins ! », s’exclame Mathilde LOzano, représentante régionale de l’ONSSF. On ne sait pas que 5 années d’études sont nécessaires avant de se voir délivrer le diplôme d’Etat de sage-femme, on sait mieux qu’elles suivent la grossesse et assurent seules la plupart des accouchements (75%), mais moins qu’elles assurent au quotidien le suivi gynécologique des femmes, la contraception, le diagnostic de grossesse, l’avortement médicamenteux, etc. « Au regard de toutes ces prérogatives, nous demandons à être un praticien de 1er recours, avec obligation de suivre le parcours santé des femmes, depuis l’adolescence, avec une première consultation sur la sexualité, qui est une des priorités du ministre, jusqu’aux suivis de grossesses. On nous augmente régulièrement nos champs de compétences mais sans les accompagner de prescriptions qui vont avec », revendique encore Cloé Mandard.

Cette fois-ci, « faut pas pousser! »

Résultat, la profession est en mal de recrutement, « elle n’attire plus, les maternités ont du mal à recruter, et rien qu’à la PMI de Mayotte, 9 postes sont vacants. Notamment parce qu’à la territoriale, elles sont moins payées qu’en hospitalier. » Si on fait exception de la sur-rémunération de salaires propre aux outre-mer, en métropole, les sages-femmes sont « sous-payées », rapportent les deux syndicalistes. Du début à la fin de carrière, la rémunération brute évolue de 1.900 à 3.800 euros en hospitalier, et 2.400 euros en moyenne en libéral, après 5 ans d’étude.

Peu de sages-femmes issues du territoire parmi les 180 que compte l’île, « parce qu’il n’y a pas d’études de santé à Mayotte, mais aussi parce que notre profession n’est plus attractive », lâchent-elles.

Tout en sourire mais déterminées

« Résiste ! », le refrain de France Gall est diffusé par une sono poussée à son maximum, stimulant un cortège qui s’ébranlait vers le siège de l’ARS au centre Kinga de Kawéni. Les sages-femmes ont été reçues par Patrick Boutie, référent formation à l’ARS Mayotte. « On nous a promis l’organisation de groupes de travail », rapportaient-elles, tandis qu’à Paris, une délégation était reçue au ministère de la Santé.

Anne Perzo-Lafond

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