Corde raide du funambule, ligne de crête, toutes les métaphores du genre sont bonnes à prendre pour décrire la situation de l’île. D’un côté, la crise sanitaire, de l’autre, sa soeur maléfique, économique et sociale. Tendu au milieu du précipice, quoique vacillant selon les vents, un fil imperceptible doit bien se trouver pour traverser. Celui-là même que tentent de trouver les autorités sanitaires et administratives.
« Nous sommes conscients du caractère extrêmement douloureux pour la société mahoraise qu’aurait un reconfinement général, on ne s’y résoudrait qu’en dernier recours si les mesures prises ne marquaient pas leur efficacité », soutient ainsi la directrice de l’Agence régionale de santé. « On se souvient des conséquences que cela a entrainé l’année dernière en plongeant des dizaines de milliers de personnes dans une détresse alimentaire, on se souvient que ce confinement général a tué l’économie informelle en quelques jours, privant une grande partie de la population de tout revenu, on se souvient qu’il avait de fait provoqué des actes de délinquances d’appropriation très nombreux, des pillages », égrène quant à lui le préfet.
Vers un confinement tournant
« Pour toutes ces raisons, nous ferons tout pour éviter ce reconfinement général », conclut Jean-François Colombet, soutenant qu’il « ne faut pas ajouter une crise humanitaire à une crise sanitaire ». Tout en prévenant que si toutes les mesures prises en amont, à l’instar du couvre-feu et du confinement localisé dans les communes de Bouéni et de Petite-Terre ne sont pas efficaces « nous serons obligés de nous y résoudre ».
En attendant, c’est donc une politique « sur-mesure, en accord avec les maires », qui se met en place. « Chaque fois que les données [d’une commune] nous montreront que la situation va se dégrader, on sera très réactifs avec des mesures puissantes et on l’espère limitées dans le temps », indique ainsi le délégué du gouvernement. En clair, les différentes localités de l’île se dirigent vers un confinement à tour de rôle dès lors que leur taux de positivité atteindra un seuil critique. Seuil vers lequel les communes de Tsingoni et de Sada se rapprochent d’ailleurs dangereusement. « Nous surveillons la situation de très près et s’il faut confiner ces communes, nous le ferons », indique ainsi Dominique Voynet.
L’école, une problématique pas secondaire
Quid des établissements scolaires où le nombre de cas positifs au coronavirus monte également en flèche ? « Hier [mercredi] nous sommes tombés d’accord avec le recteur, la directrice de l’ARS et moi-même sur un protocole qui s’appliquera à toutes les communes non confinées et qui ira, si besoin, jusqu’à la fermeture d’établissements au cas par cas
dans un premier temps», précise le préfet. Pour l’heure, donc, seuls les établissements situés dans les communes confinées sont automatiquement fermés. Et les élèves de ces communes qui étudient ailleurs devront attendre leur déconfinement pour retrouver les bancs de l’école.
Là encore, l’arbitrage est délicat. Car s’il ne fait aucun doute que les allers-retours des professeurs hors territoire et le brassage des élèves, plus vulnérables au variant sud-africain, rendent la situation critique dans les établissements, qu’en serait-il hors les murs ? Le mot d’ordre du recteur n’est à ce titre pas nouveau. Fermer les portes des écoles à 80 000 élèves, c’est souvent laisser livrée à elle-même une jeunesse parfois explosive. « La problématique n’est pas la même qu’en métropole, comment espérer qu’un jeune qui vit en famille nombreuse dans un banga, sans internet, parfois sans électricité ou sans eau reste chez lui pour étudier ? », questionne ainsi Gilles Halbout.
Du sur-mesure, donc, à l’aide d’une cellule de contact tracing et de dépistage interne. Les professeurs de communes confinées pourront dans ce cadre et après avoir été testés, « à la discrétion du rectorat », se rendre dans les établissements ouverts. Lesquels pourraient, au cas par cas, ne plus l’être si la situation se dégrade. Et seront appelés, en premier lieu « à baisser les jauges », soit réduire le nombre d’élèves accueillis. Sur un fil, du sur-mesure ou une politique du cousu-main. Reste à espérer que la maille soit solide.