Son bilan, Catherine Barbezieux aurait certainement aimé le rédiger autrement. On sent bien que la directrice du Centre Hospitalier de Mayotte (CHM) qui est parvenue à gérer correctement la crise sanitaire, et ce n’est pas rien, a rédigé un communiqué avec une certaine amertume contre les coups bas qui auraient pu lui être épargnés. S’il y a départ, il est acté dit-elle par la fin de son contrat, soit, mais rien ne dit qu’elle n’aurait pas souhaité le prolonger. Nous n’allons pas entrer dans la polémique des guéguerres internes ou externes avec quelque autorité de tutelle, pour retenir les actions menées sous sa férule.
Avant tout, elle aura permis la montée en compétence de nombreux cadres mahorais, « dans les réunions de direction, nous sommes aussi nombreux que les mzungus », nous rapporte l’un d’entre eux. Ce qui devrait être la norme est une mini-révolution, il n’y a qu’à jeter un œil vers les services centralisés ou décentralisés de l’Etat pour s’en assurer.
Un tableau dresse un comparatif entre l’année 2017, lors de sa prise de fonction en mai, après qu’elle fut directrice des affaires médicales, et 2020 : l’avis défavorable de la commission de sécurité s’est mué en un quitus, la Certification par la Haute Autorité de santé a gommé les 13 non-conformités majeures pointées en 2017, le laboratoire a obtenu la certification COFRAC, les postes de direction ont tous été pourvus, prés de 200 recrutements ont été menés, Institut de formation des Infirmiers a ouvert 15 places supplémentaires, les consultations se font désormais sur rendez-vous, notamment à Jacaranda, etc.
La lecture du rapport de la Chambre régionale des Comptes de mai 2020, permet aussi de se faire une idée sur la difficulté à mener ce paquebot qu’est le CHM dans un contexte contraint : « aucun département d’outre-mer n’a une situation comparable à celle que connait Mayotte », en détaillant un territoire qui a deux à trois fois moins de lits que la Guyane, à la population comparable. Toujours selon la CRC, si la période 2015-2017 est marquée par des résultats déficitaires, une amélioration est enregistrée en 2018 avec un excédent de 13,7 M€ en compte financier.
Les déboires de l’hôpital de Petite Terre
Pas de trace de l’ARS dans ce communiqué, notamment sur la gestion de la crise Covid sans « aucune rupture de stocks ce qui était une vraie gageure grâce au travail en étroite collaboration avec la préfecture notamment ». Catherine Barbezieux évoque par contre un personnel administratif, technique et soignant de l’hôpital « qui s’est révélé une fois de plus exemplaire dans ces moments difficiles et dont nous pouvons être fiers ».
L’hôpital de Petite Terre, à la 1ère pierre posée en 2015 et toujours pas inauguré, n’est pas un caillou dans sa chaussure, explique dans un argumentaire détaillé Catherine Barbezieux : « Les départs successifs de l’ingénieur précédemment nommé afin de suivre ce dossier pour le CHM ainsi que de la société en charge de l’organisation et de la planification, suite à des désaccords profonds avec le directeur en charge des travaux au CHM à l’époque, ont fortement perturbé le déroulement de cette opération dans un premier temps. » Se sont rajoutés des « évènements extérieurs », comme les 89 jours de grève de COLAS, et la crise COVID du mois de mars au moins de juin 2020. « Enfin, 3 entreprises se sont révélées défaillantes en cours de chantier. Les marchés ont dû être relancés entraînant là encore des délais supplémentaires. Contrairement aux rumeurs ayant circulé, cette structure n’aurait pas pu servir à accueillir des unités COVID faute d’environnement technique adapté et du nombre de médecins insuffisant. »
D’autres avancées à son actif, comme l’ouverture d’un service d’hospitalisation à domicile, de CMP psychiatriques, plus d’une centaine de promotions professionnelles à l’issue d’une formation, etc.
Catherine Barbezieux n’évoque pas le 2ème hôpital, annoncé par le président Macron, et sur la partie infrastructure, son départ aura un goût d’inachevé, avec notamment la 1ère phase de travaux urgents qu’elle comptait mener en psychiatrie et sur un aménagement d’une zone de consultations externes. Le projet COPERMO (Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers) de prés de 300 millions d’euros sera donc mené par son successeur.
Ses « réalisations concrètes », elle les aura porté « au bénéfice de la population du département », défend-elle, nul doute qu’elle saura transcender cette expérience dans sa prochaine affectation.
Anne Perzo-Lafond