« Toc, toc ! Hodi ? Avez-vous 10 minutes à m’accorder, c’est l’agent recenseur. » Cette phrase, une partie de la population de Mayotte va l’entendre dès ce jeudi. Une partie car Mayotte est désormais divisée en 5 zones, chacune sera recensée chaque année pendant 5 ans. Rendez-vous donc en décembre 2025 pour découvrir combien nous sommes.
Dans le détail, les communes ne sont pas logées à la même enseigne. D’abord, nous fonctionnons désormais sur le modèle de recensement métropolitain. Avec un long trou d’air, « un tunnel », rapporte Bertrand Aumand, Chef du service Régional de l’INSEE Mayotte, de 8 ans sans production de statistiques. Toutes les données sur le profil de la population, démographique, habitat, etc., étaient extraites du recensement quinquennal de 2017. Le prochain ne sera pas en 2022, mais en 2025. D’ici là, il va donc falloir se contenter de ces données qui se périmeront vite, « c’est hélas le prix à payer pour adopter la méthode du reste du pays. La métropole avait connu le même déboire. »
Jusqu’à présent, toutes les communes de l’île étaient recensées, avec un taux plutôt bon de 97% de réponses en 2017, « le meilleur de France », indique Aurélien Daubaire, Directeur interrégional de l’INSEE La Réunion-Mayotte. Une cartographie de l’île avait été effectuée, avec les habitats identifiés et démarchés par des agents recenseurs. « Lorsqu’ils ne trouvaient personne, ils évaluaient en se basant sur le nombre moyen d’habitants par foyer à Mayotte. Mais contrairement à ce qu’on peut penser, ce sont des mzungus (métropolitains) qui ont le moins répondu, souvent parce que de passage, ils n’en voient pas l’utilité, alors que les clandestins y voient la possibilité de prouver qu’ils résident bien sur place », précise Muriel Granjon, Chargée du recensement à l’INSEE Mayotte.
Objectif : 100% de cases en tôle
Désormais, les communes n’ont pas la même couverture selon leur taille. Les 7 plus petites, de moins de 10.000 habitants, seront entièrement recensées, à l’ancienne, et sur 5 ans. Ainsi, M’tsangamouji, en 2021, Chiconi et Kani-Keli, 2022, Mtsamboro, 2023, Acoua et Chirongui, 2024 et Boueni, 2025. Si certaines ont « grossi » depuis 2017, un réajustement de méthode sera opéré.
C’est pour les plus importantes que ça change. La cartographie de l’habitat va nourrir le Répertoire d’Immeubles localisés. Un cinquième des logements est mis à jour chaque année pour chacune des communes, et 8% d’entre eux seront démarchés. Donc, tout le monde ne sera pas face à un agent recenseur, mais à la fin des 5 ans, ce sont 40% des foyers qui auront été enquêtés, « un échantillon plus que représentatif de la population », explique encore l’INSEE qui a l’habitude ensuite de transposer. Les seules à être entièrement recensées, sont les plus volatiles : les cases en tôle. « 100% d’entre elles auront été identifiées au bout des 5 ans, un choix lié au mouvement rapide de ce type d’habitat, spécifique à Mayotte ».
La question se pose pour les zones identifiées en 2021, qui auront vu leur habitat évoluer en 2025, « c’est valable pour toutes les zones des communes recensées en premier. C’est pourquoi nous faisons une moyenne, en utilisant l’année 2023 comme médiane. En 2025, nous aurons donc chiffré la population de 2023. ».
La méthode repose sur un partenariat étroit avec les communes, « encore plus étroit qu’en 2017 puisque les agents recenseurs, formés par l’INSEE, seront recrutés par elles ». Ils sont issus des quartiers qu’ils visitent ou les connaissent parfaitement, et pratiquent au moins deux langues, le français et le shimaore et/ou le kibushi.
Une population qui rapporte
Ce travail avec les mairies avait été entamé pour le recensement 2017, mais il n’avait pas suffit à faire taire la rumeur publique qui voit une population plus gonflée que celle estimée de 256.500, qui donnerait 280.000 en la réactualisant en 2020. « Nous ne pouvons pas être 400.000 comme cela est souvent rebattu, car nous avons déjà une des plus forte densité de France, et sans barre d’immeubles, et avec de nombreux espaces plantés ou de forêt dès que l’on sort de Mamoudzou », explique encore Muriel Granjon.
Le sujet est sensible, puisque le volume de la population pour les communes conditionne celui de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) qui leur est allouée par l’Etat.
Le recensement qui commence donc ce jeudi 4 février pour 8% des habitations et pour Mtsangamouji, se déroule dans un contexte sanitaire dégradé. Alors que sur l’ensemble de la France, il a été décalé à 2022, il a été maintenu à Mayotte pour éviter de rallonger « le tunnel », pour reprendre la métaphore. Mais la dégradation cette semaine de l’épidémie incite à redoubler de vigilance : les mairies devront fournir masques et gel hydroalcoolique aux agents, avec nettoyage des stylos si les ménages n’ont pas le leur. Et il est recommandé aux agents de ne pas entrer dans le domicile, compliqué en saison des pluies.
Trois modes de déclaration sont mis en place pour cette campagne : par internet, ou avec un remplissage manuel ou enfin un questionnement par oral. Une certitude, inutile de s’inquiéter tant que vous n’avez pas eu dans votre boite aux lettres un courrier prévenant du recensement. « Et pour les boites aux lettres qui sont vandalisées ? », interrogeait l’adjoint au maire de Mamoudzou. « De toute façon, un agent recenseur passe à domicile. Tous les détenteurs d’ordinateur fixe ou portable, peuvent remplir les deux questionnaires portant sur le logement et le bulletin individuel par internet en allant sur le site dédié, avec le code d’accès unique qui leur est fourni. Les autres pourront remplir les documents que viendra rechercher l’agent. Enfin, pour ceux qui ont des difficultés, il pourra inscrire les réponses en les interrogeant. »
Rappelons que le recensement est obligatoire et confidentiel, « l’INSEE est soumise au secret et ne peut diffuser les informations à quelque administration que ce soit ».
Après la mise en route de la machine avec comme horizon 2025, tout devrait rouler, « nous aurons les chiffres chaque année. »
Anne Perzo-Lafond