La mosquée de la discorde foncière à Longoni devra être détruite faute de permis

Sa construction avait commencé par un blocage de la circulation pour la revendiquer. Le jugement est tombé le 12 janvier dernier. Pas le jugement divin, quoique dans cette affaire de mosquée, il soit fortement impliqué.

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MOsquée, Longoni, Mayotte
Des travaux qui se poursuivent sans permis, constate l'huissier de justice

La plupart des habitants de la commune de Koungou ont découvert qu’une nouvelle mosquée se construisait à Longoni lorsqu’un groupement de citoyens avait bloqué la circulation le 25 septembre 2020. Le nord de l’île avait été paralysé toute la matinée par trois barrages, dont l’un de pneus enflammés, provoquant la grogne des automobilistes, quand on en apprenait la raison : la construction d’une mosquée avait été empêchée. Une énième histoire de foncier.

Celui, ou plutôt ceux, qui se revendiquent propriétaires, venaient en effet d’introduire d’une action en justice, après avoir fait passer l’huissier sur leur terrain. D’où la colère de l’initiateur des travaux, M. Zakaria, qui avait sensibilisé autour de lui des poseurs de pneus sur bitume.

Le jugement du 12 janvier 2021 ordonnant la destruction

Les héritiers d’Ahmed Mohamed qui se revendiquent propriétaires, exhibent de multiples documents, dont seuls des experts peuvent séparer le bon grain de l’ivraie. Ils remontent en effet dans l’Histoire, et relèvent de plusieurs législations, comorienne, malgache et française. Justement, ils ont confié leur dossier à des géomètres experts, et Mayotte Topo semble catégorique : le terrain concerné « T1035 a bien fait l’objet d’une liquidation successorale », le titre foncier devient dès lors « inattaquable et imprescriptible ».

D’autre part, les propriétaires affichés nous font savoir qu’une partie de ce terrain a été vendu à l’Etat pour y construire le lycée de Longoni, « c’est bien que nous en sommes propriétaires ». Ils expliquent payer des impôts fonciers sur l’ensemble des terrains, « 22.000 euros, et bien qu’ils soient squattés ».

En l’an 2000, un duplicata à Mayotte réactualise le vieux titre de propriété

Le minimum syndical pour les voix du paradis

A deux reprises, ils ont mandaté un huissier de justice pour établir un constat. Le 3 septembre 2020, ce dernier note : « Je ne constate aucun ouvrier, ni aucun affichage de permis de construire ». Des travaux, « 6 plots en béton d’ou sortent des fers à béton », sont engagés « le long de l’école ».

Apercevant 3 hommes sur place, l’huissier interroge, « qui construit à cet endroit et sans permis de construire ? », on lui répond, « C’est la population, et il n’y a pas besoin de permis de construire puisque c’est pour Dieu. » Il s’enquiert du titre. Une des personnes montre un acte de vente d’Ahmed Mohamed au CD en 1981. Mais l’huissier relève qu’il ne s’agit pas de la bonne parcelle, le titre présenté est le 632-DO alors que le plan cadastral fait état de T 1035.

Un des propriétaires qui nous a contacté, Ahmed Ibrahim, ironise : « Que notre adversaire veuille aller au paradis en construisant une mosquée, d’accord, mais il y a des règles à respecter, même pour les voix du paradis, et surtout, il devrait éviter dans ce cas de barrer les routes ! »

Un habitant du village maugrée, « comme s’il n’y avait pas assez de mosquée où prier chez nous ! ».

La circulation avait été empêchée toute la matinée le 25 septembre 2020

Un jugement de Salomon

Pour les bâtisseurs de mosquée, le foncier n’est pas clair. En dépit des affirmations des géomètres experts, ils soutiennent qu’il y a eu cession au Département.

A la suite du dépôt de plainte des propriétaires, les juges du Tribunal Judiciaire ont épluché les documents et ont eu eux-aussi du mal à y voir clair. Mais, ce qu’ils n’ont surtout pas vu, ni même aperçu, c’est le permis de construire, « un trouble manifestement illicite » défendu par « le motif ‘qu’il n’y a pas besoin de permis puisque c’est pour Dieu’ », énoncent-ils dans leur décision du 12 janvier 2021. Ils ordonnent par conséquent l’expulsion de M. Zakaria de la parcelle, ainsi que de l’entreprise qui y construit, et la démolition des travaux existants, et la remise en état du terrain, « dans un délai de 15 jours et sous astreinte de 500 euros par jour de retard », et par infraction : leur présence sur le terrain et la remise en état.

Pour trancher sur le titre de propriété, « attendu que les nombreuses pièces produites de part et d’autre ne permettent pas au juge des référés de trancher sans le moindre doute », les juges ordonnent une expertise aux frais de M. Zakaria, « aux fins de prévenir toute contestation de l’expertise ».

Les voix de la Justice étant pénétrables, on attend la suite de la qualification foncière et d’un nouveau jugement avec ferveur.

Anne Perzo-Lafond

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