Il est loin le temps où le tandem d’officiers Chamassi-Mogné Mali veillait sur la sécurité publique en zone police. Peu à peu, l’encadrement a pâli, en même temps que les jeunes délaissés dans les quartiers, grandissaient, musclant la délinquance dans les quartiers où les forces de police et de gendarmerie ne vont pas toujours.
C’est peu ou prou le constat qui était rapporté au sénateur Thani Mohamed Soilihi par les syndicats Alliance, Unité-SGP-Police, Unsa police et les membres de l’association 101GPX des policiers mahorais en métropole, ainsi que Bruno Pomart, Président de l’association Raid Aventure Organisation : « Ils m’alertaient sur la nécessité d’un renfort de policiers, en nombre et originaires de l’île, adapté aux circonstances pour une efficacité opérationnelle accrue. » Un constat qu’il rapporte au ministre des outre-mer dans un courrier du 10 février.
Il voit plusieurs avantages à regonfler les effectifs en agents locaux : « les difficultés spécifiques au 101ème département, liées à une faible maîtrise de la langue française par ses habitants, à la culture et l’environnement invitent à modifier les modalités de mutation de fonctionnaires à la DTPN 976 », la Direction Territoriale de la Police nationale de Mayotte. Les fonctionnaires de passage, 4 ans et plus, sont majoritaires par rapport à ceux qui sont affectés de manière pérenne, « qui ont plus de connaissances empiriques sur la délinquance endogène et les particularités de l’île. »
Rétablir le savoir-faire local
Au sein du service de la sécurité publique, c’est à la compagnie d’intervention que l’on retrouve le nombre le plus important de mahorais, 46% des effectifs. Ils ne sont que 28% à la Brigade Anti-criminalité, et 20% au sein de la Police aux Frontières. Or Thani Mohamed relève que « l’expérience métropolitaine doit venir en complément du savoir-faire local et non l’inverse ». Le déficit en agents féminins est aussi pointé, pourtant plus appropriées dans les cas de violences conjugales ou d’affaires à caractère sexuel.
Ses interlocuteurs lui ont rapporté de nombreux départs à la retraite à venir, « plus d’une centaine », et plusieurs fonctionnaires ne seraient plus tentés par une mutation sur l’île. Aussi, le sénateur réitère sa demande effectuée auprès des deux derniers ministres de l’Intérieur, de recrutements de gardiens de la paix mahorais, « ou la mutation de ceux qui, volontaires pour servir à Mayotte, en seraient pourtant empêchés par une clause statutaire exigeant leur affectation 8 ou 5 années dans une même région ».
Il mentionne un élément facilitateur, l’article 25 du décret n°95-654 du 9 mai 1995, qui « permet le déplacement ou le changement d’emploi d’un fonctionnaire actif des services de la police nationale lorsque l’intérêt du service l’exige ».
Rappelons aussi en complément, que le sujet du retour des fonctionnaires de police natifs des DOM-TOM avait été l’objet d’une mission diligentée par Victorin Lurel, qui avait abouti en octobre 2015, au vote par l’Assemblée nationale de mesures pour aider les policiers ultramarins en poste dans l’Hexagone à obtenir une mutation plus facilement en Outre-mer. Les « centres d’intérêts matériels et moraux des fonctionnaires » sont devenus des critères obligatoires à prendre en compte dans les demandes de mutation. Un précédent et éphémère ministre de l’Intérieur de passage à Mayotte, Bruno Le Roux, avait déclaré, « on ne travaille bien sur la délinquance que si on connaît bien le contexte. » Depuis, le système de points semble peu favoriser les policiers mahorais. Il faut voir comment l’adapter pour pallier cette faille.
Anne Perzo-Lafond