Les dernières élections municipales ont rebattu les cartes des communautés de communes. Alors qu’on saluait avec 6 ans de retard la naissance de celle du Nord, la communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou (CADEMA), s’étiolait. Tout comme celle de Petite-Terre.
Il faut dire que Dembéni réussissait le tour de force d’allier majorité et opposition municipales pour prendre les rênes de la CADEMA, en plaçant Rachadi Saindou, dit « Marius », ex-adjoint au maire de Dembéni, à la tête de la structure intercommunale. Volant la vedette à la ville chef-lieu. C’est peu de dire que le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, n’avait pas gouté la farce. Il enclenchait aussitôt une demande de dissolution de la CADEMA, votée il y a un mois en conseil municipal par 39 voix contre 10.
Les règles de dissolution des communautés de communes sont encadrées par le code général des collectivités territoriales, ainsi que le mentionne le Sénat : « Une demande de retrait doit être soumise à l’accord des conseils municipaux des communes membres de l’EPCI (…) sous conditions de l’accord des deux tiers des conseils municipaux de communes représentant au moins 50 % de la population de l’EPCI, ou l’accord de la moitié des conseils municipaux représentant au moins les deux tiers de la population. »
La continuité territoriale prend la barge
Les interco de Mayotte ne sont pas les seules à être malmenées par les élections. En Bretagne, Centre Morbihan Communauté a été dissoute, à l’unanimité des 18 maires, constatant qu’ils ne pouvaient travailler ensemble.
A son tour, Dembéni va notamment se prononcer ce jeudi sur l’avenir de son union avec Mamoudzou, en proposant son maintien au sein de la CADEMA, et le rejet du redécoupage de la carte intercommunale.
Car, pour dénouer le blocage, le préfet Jean-François Colombet qui doit trancher in fine en lieu et place du premier ministre, a cherché une solution. Que nous rapporte Rachadi Saindou : « Le préfet a dit qu’il n’appuiera pas la séparation des deux communes, mais nous a demandé d’étudier un redécoupage rapprochant le Dembéni, le Grand-Mamoudzou, Koungou et Petite Terre, à l’horizon 2026, date des prochaines élections, et donc d’une possible reconfiguration. Pourquoi pas, mais cela me semble compliqué ».
La formation d’un club à quatre avec Petite Terre, elle-même en demande de dissolution, avait même été envisagée, mais l’éventualité d’un choc au sommet entre Saïd Omar Oili et Ambdilwahedou Soumaïla ne semble pas emballer les foules. Ce dernier ne s’est jamais prononcé pour en tout cas. La problématique de la continuité territoriale, de part et d’autre du bras de mer, ne paraît pas poser de problème puisque selon la jurisprudence, « l’exigence de continuité est satisfaite si les communes sont seulement séparées par un élément naturel », dans les faits, elle accroit les divergences : « Nous n’avons pas les mêmes besoins ni les mêmes contraintes. Ne serait-ce que pour le projet Caribus. »
Caribus embraye la seconde
Le maire de Mamoudzou n’avait pas caché vouloir reprendre ce projet de transport en commun tel qu’il avait été pensé au départ, en transport urbain. Mais, et la citation s’impose, Marius lui avait « fendu le cœur », en se rendant à la capitale en septembre 2020 avec un projet de Transport Urbain intercommunal d’une autre dimension, doublant l’investissement initial, « désormais, il est estimé à 230 millions d’euros », et nous en avons bouclé le financement. Nous nous sommes vus ce lundi avec les services de l’Etat ». Premier coup de pioche annoncé en septembre.
Est-ce trop tard pour que les deux élus qui ont chacun démontré leur volonté de développer leur territoire, renouent des liens pacifiés ? Une charte de gouvernance sur les principes de fonctionnement de la CADEMA doit être rédigée et présentée à la fin du 1er trimestre 2021.
Au temps de son entente, l’intercommunalité de Petite Terre avait mis en place une présidence tournante. Une garde alternée des intérêts des administrés ? Une idée à creuser pour ce mariage brinquebalant.
Anne Perzo-Lafond