A Mayotte, 250 logements sortis de terre en 2020, contre 3.000 attendus

Croissance de la population et relogement des familles vivant dans des cases insalubres sont deux raisons nécessaires et suffisantes pour mener une politique de logement annoncée comme ambitieuse. Mais les moyens pourtant conséquents accouchent d’un village pour Lilliputiens.

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SIM, outre-mer, Mayotte
Le village relais de Tsoundzou sort lentement de terre (photo MOM)

Le communiqué du ministère des outre-mer sur le financement de 8000 logements sur les 5 DOM en 2020, ressemble à un écho lointain aux bruits des bulldozers de la bataille menée contre l’habitat illégal par le préfet à Mayotte. Déloger pour mieux reloger doit être la ligne directrice dans un contexte de pénurie de logements sociaux.

Lors du 3ème Conseil départemental de l’habitat et du logement en février dernier, Ibrahim Bacar, à la tête de Habitat Mayotte Immobilier, avait déclaré : « Quand vous voyez des enfants trainer tard dans la rue, c’est souvent qu’une famille de six personnes vit dans une seule et même pièce, et je compte des Mahorais parmi eux. »

Le besoin en logement avait été clairement chiffré : sur les 24.000 cases en tôle du territoire (INSEE 2017), 6.700 étaient prioritairement visées, soit un montant de 460 millions d’euros qu’il faut financer, avait déclaré la DEAL (L’équipement).

Autre rendez-vous, la Journée professionnelle de la construction et du logement de janvier 2020, au cours de laquelle le préfet Colombet avait donné son prévisionnel de moyen terme : un besoin de 30.000 logements pour les 10 prochaines années, soit 3.000 par an. Souvenons nous qu’il se basait sur 3 critères pour cela : la croissance de la population, soit 5.000 logements, le relogement des familles habitant dans des zones à risque ou dans des cases insalubres, 10.000, et les constructions pour des particuliers arrivant à Mayotte, 15.000.

Les réalisations ne couvrent même pas 10% des prévisions

A La Réunion, dix fois plus de logements que chez nous, pour seulement deux fois plus de moyens

Face à ces besoins, le communiqué du ministère des Outre-mer fait pâle figure. Alors que sur l’ensemble des outre-mer, 8.000 logements ont été rénovés ou construits en 2020, grâce à un investissement de l’Etat de 215 millions d’euros, à Mayotte, ce sont moins de 250 logements qui ont été financés l’année dernière. Contre les 3.000 par an donc, qui auraient dû sortir de terre pour commencer à absorber les besoins. Car le préfet comme il l’avait annoncé, mène sa politique d’éradication des logements insalubres, mais le rythme des relogements ne suit pas.

La période de crise économico-sanitaire ne peut être durablement évoquée comme excuse dès lors que dans les autres DOM, les logements ont continué à fleurir les chantiers dans une ampleur par endroit, décuplée. Et pour des montants souvent similaires : si à Mayotte, moins de 250 logements ont été financées en 2020 grâce à un investissement de 37,8 millions d’euros, on parle 1.700 logements avec 39 millions d’euros en Martinique, 1.400 avec 54 millions en Guyane et le pompon remporté par La Réunion, 3.300 logements financés par 65 millions d’euros. C’est à dire plus de dix fois plus de logements qu’à Mayotte avec seulement deux fois plus de moyens. Même si on comprend qu’une partie des fonds part à Mayotte dans les démolitions, l’opération sur le quartier Jamaïque à Koungou a coûté 400.000 euros avait rapporté Jean-François Colombet. Bien loin d’expliquer ce différentiel énorme de rapport bénéfice/investissement.

Pour ne garder que la Guyane en exemple, qui pourrait avoir des coûts d’acheminement des matériaux proches des nôtres, le coût d’un logement est donc de 38.000 euros contre 152.000 euros à Mayotte…

Et le retard reste toujours abyssal, car avec un déficit de logements de 2700 sur 2020, les logements non construits viennent se reporter sur les années suivantes.

Anne Perzo-Lafond

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