Interrogé sur les réussites et les échecs de la départementalisation, le député Mansour Kamardine est lapidaire. « Les réussites, il n’y en a pas. Il n’y a que des échecs, et ce ne sont même pas des échecs car au moins avant un échec, on essaye ! »
Selon lui en effet, la France n’a jamais vraiment voulu de Mayotte française, il voit dans les choix de ces dernières années une volonté de maintenir Mayotte dans le statu-quo.
« En vérité les 10 ans qui se sont écoulés sont caractérisés par deux choses : Mayotte est demeurée française par effraction, les têtes pensantes n’ont jamais digéré que Mayotte soit française et accède au statut de département. On voit la scission entre une volonté politique locale de tout faire pour rester français et une volonté politique sur le plan national qui finit par accepter le choix plusieurs fois exprimé des Mahorais.
Au lieu de tirer les conséquences de cette évolution heureuse, rien n’a été fait. C’est ce qui explique que la construction de la piste longue prévue en 2011-2012 ait été retirée des investissements de l’Etat en 2013 sans explication. Cela explique aussi que l’égalité salariale prévue en 2014 soit une promesse restée sans lendemain.
Ceci nous amène à nous interroger sur cette politique qui remonte à loin. En 1981 lorsque François Mitterrand est arrivé au pouvoir et a estimé que Mayotte devait être intégrée aux Comores. Cette politique a pour nom le refus d’améliorer le système social, qui consiste à dire qu’il ne faut pas développer Mayotte sur les plan social et économique pour laisser une marge de possibilité d’intégration aux Comores. Or, si Mayotte se développe trop ça deviendra difficile. »
Et si le président de la République Emmanuel Macron s’est voulu rassurant lors de sa visite, promettant que la piste longue « se fera » et assurant « Maore na Farantsa Paka Tcho » devant une foule en liesse, le député inscrit son mandat dans la continuité des précédents.
« Depuis 8 mois que le nouveau gouvernement est là, le nouveau ministre n’a pas trouvé le temps de nous rendre visite. Voilà le bilan que je dresse de ces 10 ans, des retards partout, une immigration qui nous a échappé, une violence sans nom et sans limite, Mayotte qui bat tous les records, notamment des homicides.
En 2015 on a balayé le pacte de départementalisation pour créer Mayotte 2025, puis en 2018 le plan d’urgence pour Mayotte, à nouveau balayé pour le contrat de convergence que j’appelle le plan de divergence. En 10 ans nous avons connu 4 trajectoires en forme de danse du ventre sur place pour donner l’impression qu’on agit sans rien faire de concret. Aujourd’hui cette politique a produit des effets néfastes pour Mayotte. »
Ce qui conduit le parlementaire à exposer la thèse du remplacement, sur un territoire où la moitié de la population est étrangère.
« Dès lors qu’on refuse d’améliorer la situation d’un territoire où la vie est aussi chère, les Mahorais quittent Mayotte et la place est occupée par l’immigration clandestine. La réalité c’est 60 000 immigrés clandestins arrivés tandis que 30 000 Mahorais sont partis selon l’Insee. »
Et ce dernier de balayer aussi les accusations qu’il entend à Paris sur les motivations sociales de la départementalisation.
« La départementalisation n’a jamais été faite pour les allocations familiales, il n’y en avait pas en 1968 quand on a commencé à réclamer la départementalisation, nous avons fait ce choix pour la liberté, l’attachement à la France et à la République.
Ce n’est pas le Département qui a échoué, c’est la volonté politique, ce sont les réponses administratives qui ont manqué à l’appel.
Maintenant les perspectives sont simples, il nous faut une autorité qui soit fière de ce que nous sommes, un modèle à travers le monde qui montre que Mayotte fait honneur à la France au moment où partout la France est expulsée, Mayotte affirme qu’elle est fière d’être française. Nous avons besoin d’un responsable qui puisse réaffirmer l’appartenance de Mayotte à la République.
Je propose une loi de programme sur Mayotte avec un échéancier sur 10 ans et des moyens budgétaires afin de ne pas être tributaires de la politique nationale. Avec 3 volets : le volet social, d’ici 2025 il nous faut l’égalité sociale : allocations familiales, Aspa, RSA. 2ème volet, un plan massif d’investissements publics : mobilité, formation… Et une troisième direction qui est la reconnaissance de la francité de Mayotte à l’international. Voilà les objectifs si on veut lutter contre le chaos et faire en sorte que les Mahorais soient fiers de leur destin librement choisi. »
Y.D.