Autisme : « accompagner dès le début pour orienter plus rapidement »

Une journée dédiée à l'autisme était organisée vendredi au lycée Gustave Eiffel de Kahani et au centre équestre d'Hajangua. L'occasion de sensibiliser sur ce trouble largement méconnu, et encore trop peu diagnostiqué à Mayotte.

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Les élèves du lycée ont remis des classeurs avec des pictogrammes pour aider les jeunes autismes à communiquer (DR)

Ernestine Bakobog est présidente de l’association Autisme Mayotte. Elle revient avec le JDM sur cette journée riche en émotions.

JDM : Pourriez-vous dans un premier temps présenter votre association, à l’initiative de cette journée ?

Ernestine Bakobog : « Notre association est une association de parents et de sympathisants d’autistes et des troubles du comportement. Nous luttons pour défendre la cause de ces personnes et de leurs accompagnants.
Pour ce faire, nous avons un dispositif d’accompagnement au diagnostic et une école des parents pour les accompagner dans leurs démarches administratives, les conseiller et les sortir de l’isolement car avec l’autisme, on se retrouve enfermé dans la même boule que son enfant. Nous faisons aussi de l’accompagnement professionnel et de la sensibilisation.
Nous faisons aussi des animations pour les enfants, et de la garde pour les enfants qui ne savent pas où aller le temps que leurs parents aillent à Mamoudzou faire leurs démarches administratives.

C’est une association mahoraise, mais nous sommes affiliés au pôle Autisme Océan Indien. On devait organiser les journées de l’autisme à Madagascar mais ça ne s’est pas fait à cause du Covid, le reste se fera en visioconférence. »

Cette première journée s’est déroulée en présentiel, quels en étaient les temps forts ?

La médiation équine, un excellent moyen pour initier l’enfant à l’échange et à l’empathie  ( DR)

Ernestine Bakobog: On a commencé par une remise de classeur, un outil de communication avec des pictogrammes, pour les enfants qui ne verbalisent pas, au lycée de Kahani. Ce projet des élèves dure depuis début 2020. On l’avait mis en place avec le lycée Gustave Eiffel Eiffel : les 15 élèves participant au projet ont réalisé 15 classeurs qu’ils ont remis solennellement à 15 autistes.
On est ensuite allés à Hajangua pour des activités récréatives. Il y avait des activités de poney, un château gonflable etc. L’intérêt du poney c’est que les autistes sont très voire trop sensibles, et parfois pas du tout. Le fait de brosser un animal, c’est très apaisant, le fait de monter sur un cheval, de lui faire confiance, se laisser faire, c’est une étape pour un autiste en vue de se laisser aller avec un adulte après. Même un enfant qui n’est pas autiste, quand il voit un animal il a d’abord peur, jusqu’à ce qu’il lise ses émotions et soit capable de s’entendre avec lui.

Pourquoi sensibiliser à l’autisme, et que faut-il faire pour les familles concernées à Mayotte ?

Ernestine Bakobog : Si on prend les données nationales de l’Insee, on aurait plus de 1500 autistes à Mayotte. On en connaît près de 200, les autres sont sûrement dans les maisons, pas diagnostiqués.

Or, très souvent quand on est parents d’un enfant autiste, on a tendance à s’enfermer, à rester dans le coin où la société nous met. Pour en sortir il faut que la société vienne nous aider, sans quoi on ne vit que pour l’enfant et on ne peut plus rien faire.

Quels sont les signes qui doivent alerter, et comment réagir ?

Jouer ensemble n’est pas une évidence pour les enfants souffrant de troubles du développement (DR)

Ernestine Bakobog: Un regard qui dévie, un enfant qui fait comme s’il n’entendait plus son prénom, qui range un peu trop bien les choses, qui fait des crises d’angoisse, il ne faut pas attendre, il faut consulter. Les familles peuvent appeler l’association au 06 39 64 18 83, et nous, on les approchera en tant que parents pour voir ensemble comment accompagner l’enfant. Tout n’est pas autisme bien sur, il y a des troubles divers, mais si on peut accompagner dès le début, ça permet d’orienter plus rapidement. Petit à petit des structures se mettent en place. Notre département doit comprendre que les troubles du développement sont un frein pour les familles, un frein économique mais aussi social. On ne peut pas parler d’inclusion et laisser les familles à l’écart. Sans oublier le poids de la culture, les moqueries.

Le voisin peut aussi nous dire qu’un enfant n’est pas bien à côté et nous donner un numéro de téléphone, puis on appelle pour parler de parent à parent. Il m’est même arrivé d’aller voir des parents avec mon enfant, pour qu’ils voient qu’ils ne sont pas seuls. On existe, on est là. L’autisme ça ne doit pas se cacher, on ne peut pas l’ignorer.

Propos recueillis par Y.D.

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