La communication du Revosima est désormais bien rodée concernant le volcan qui a surgi au large de Mayotte en 2018 et qui est toujours en activité.
Alors que l’activité ressentie s’amenuisait, les autorités ont réduit la fréquence des communiqués, passant d’un par jour à un unique bulletin mensuel actuellement. Néanmoins, les séismes ressentis font l’objet d’une communication spécifique à chaque fois, comme on a pu le voir lors de la dernière secousse largement ressentie le 3 mars dernier.
Or, la magnitude seule ne suffit pas à savoir, lorsqu’on étudie les données depuis Paris ou La Réunion, si un séisme a été largement ressenti ou non. Les mieux placés pour le dire sont bien sur les habitants. D’où l’importance pour ces derniers de déclarer chaque secousse ressentie sur le site www.franceséisme.fr (formulaire ici ).
« Notre façon d’étudier ces séismes ressentis, c’est qu’on les étudie à partir des témoignages déposés sur le site France Séisme », explique Lise Retailleau, physicienne adjointe à l’IPGP et affectée à l’observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise. « Quand on reçoit plusieurs déclarations, on analyse plus en profondeur ces événements là et on envoie un communiqué aux autorités avec une carte d’intensité qui va refléter l’estimation de l’intensité en différents points de l’île de Mayotte. Or, l’intensité ressentie est variable selon la distance mais aussi selon le type de construction, la nature du sol… Ces données permettent aux autorités d’inspecter les zones de l’île pour déterminer les éventuelles aides à apporter. »
On l’a tous remarqué, ces derniers temps les séismes ressentis se font rares, au point que des lecteurs nous ont demandé si l’activité volcanique ne serait pas terminée.
« Le dernier séisme ressenti était le 3 mars, il n’y en a pas eu tant que ça récemment, on en a aussi eu plusieurs entre août et octobre » constate en effet Lise Retailleau. Mais cette baisse de la sismicité ressentie ne veut pas dire que l’activité souterraine est terminée rappelle-t-elle avec toute la prudence qu’impose l’état des connaissances scientifiques du phénomène. « La sismicité diminue un peu, mais elle existe toujours, il est toujours possible qu’il y ait une réalimentation et que l’éruption reparte, ou reparte ailleurs, c’est pour cela qu’on surveille. Ce qu’on regarde c’est s’il y a un changement de comportement, est ce que la sismicité évolue, se déplace… On ne peut pas dire que ça va s’arrêter. En 2019 et 2020 on avait déjà constaté des diminutions suivies d’augmentation de la sismicité, ce sont des systèmes assez instables, donc il reste des choses à comprendre, on travaille dessus » poursuit la physicienne.
C’est vrai pour le volcan qui vient de naître au large de Mayotte, mais pas que. Ainsi le Piton de la Fournaise lui-même réserve des surprises aux géologues qui le surveillent. Au début de l’éruption en cours, celle-ci s’annonçait comme une « petite éruption » selon l’OVPF. Elle est pourtant désormais la plus longue depuis 2018.
Si tout cela est si « difficile à anticiper » selon Lise Retailleau, c’est que ces systèmes « évoluent sur des centaines d’années, alors qu’on n’a de connaissances précises que depuis quelques dizaines d’années ». Un manque de recul qui n’est donc pas l’apanage de Mayotte.
Reste qu’ici les connaissances de ce nouveau système évoluent en permanence. Et la mission océanographique en cours devrait à son tour apporter son lot de découvertes.
Ce qui est sûr actuellement, c’est que les scientifiques accordent une attention toute particulière à la zone la plus proche de Mayotte. On se souvient qu’il existe deux essaims actifs, un au large à l’est, proche du nouveau volcan, et un autre tout près de Petite Terre, avec des séismes longue période témoignant d’un « mouvement de fluide » à près de 20km de profondeur. La donnée rassurante, c’est que pour l’heure « on ne voit pas de sismicité qui remonte en surface à l’heure actuelle » indique Lise Retailleau. Les vastes panaches gazeux observés depuis quelques mois dans la couche d’eau pourraient n’être que les résidus d’éruptions très anciennes, libérés par les séismes récents. Pour autant les chercheurs ne relâchent pas leurs efforts.
« S’il y a une sismicité c’est qu’il y a une activité. On essaye de voir s’il y a une activité magmatique qui pourrait potentiellement mener à une éruption ou si cette ancienne caldeira où il y a eu des éruptions il y a longtemps a juste été déstabilisée par l’éruption démarrée en 2018. A l’heure actuelle ça ressemble surtout à la réactivation d’une zone pleine de failles, qui bouge mais qui n’a pas l’air, c’est à prendre avec des pincettes, de révéler une potentielle remontée de magma. Mais ça reste possible » insiste Lise Retailleau.
C’est pourquoi « à chaque campagne on regarde ces panaches » et c’est aussi la raison pour laquelle une station a été installée en Petite Terre pour analyser les gaz qui sortent de l’eau depuis maintenant près de 30 ans. Une effervescence qui est toutefois surtout concentrée dans les laboratoires. Nous-autres habitants, ne pouvons que nous réjouir de cette accalmie pour nous-mêmes et nos infrastructures.
L’autre bonne nouvelle, c’est que les autorités ont -mieux vaut tard que jamais- compris l’importance de rendre le phénomène lisible pour le plus grand nombre. L’actuel communiqué mensuel, chargé de termes scientifiques, sera prochainement complété par une publication destinée au grand public. De quoi aider à s’approprier toujours davantage ce phénomène fascinant, qui n’a pas fini de faire parler de Mayotte dans le monde entier.
Y.D.