L’étude “Comptons-nous” émane du collectif “Les Arts Confondus”, qui réunit des acteurs du milieu artistique pour discuter de leurs difficultés et de leurs besoins communs. Celle-ci est partie d’un constat que tous partageaient : “On a réalisé que lorsqu’on recherchait des subventions, il nous était systématiquement demandé s’il y a réellement des besoins, s’il existe vraiment des artistes à Mayotte”, se souvient Sophie Huvet.
D’où l’idée de mener une enquête. Le collectif tente d’abord de convaincre le Ministère de la Culture de s’en charger, mais devant la lenteur du processus décide finalement de le faire avec ses propres moyens. Une commission de cinq personnes est créée, et Sophie Huvet, qui possède une expertise dans la gestion d’étude, en prend la responsabilité. “On a très vite réalisé qu’on n’aurait pas les capacités de faire un recensement réel ni une enquête représentative, car cela nécessite des moyens. Pour que ce soit crédible, on a donc décidé de mettre en place un sondage basé sur le volontariat. Au lieu de faire un recensement, il s’agirait d’une étude sur des gens qui se considèrent comme artistes ou qui souhaitent pratiquer un art”.
La première partie de l’étude porte sur la jeunesse, ses pratiques artistiques et ses besoins en formation.“ Sur les 360 personnes sondées, 62% ont entre 11 et 18 ans, avec presque autant de filles que de garçons. “Le questionnaire a été relayé via le réseau des écoles, de l‘école de musique… c’était incroyable, car des gens de toutes les communes ont répondu”.
Environ la moitié d’entre eux déclarent pratiquer plus de 4h par semaine une ou des activités artistiques. Cependant, l’étude montre que la grande majorité connaît mal l’offre de formation. Un tiers des sondés aimerait faire d’une activité artistique leur métier, ou ne l’exclut pas. 96% d’entre eux souhaitent que des formations artistiques soient créées à Mayotte.
La seconde partie de l’étude, non encore publiée, vise à identifier le nombre de personnes actives, bénévole et/ou professionnelles, dans le secteur artistique. Avec l’ambition d’en faire ressortir les besoins en structuration, en formation, en professionnalisation.
Pour l’instant, les indicateurs du Ministère de la Culture sur les personnes actives dans le secteur artistique se basent sur le régime de l’intermittence, qui n’existe pas à Mayotte. “On a voulu identifier ces acteurs du milieu de la culture, savoir qui ils sont, ce qu’ils font, combien d’heures ils s’investissent, s’il y a rémunération… Ce sont des emplois qui permettraient de l’attractivité. La plupart des gens qui ont envie de venir veulent savoir si leurs enfants pourront faire de la danse, de la musique… L’idée est aussi de se donner les moyens de proposer une véritable offre culturelle. Ce n’est pas possible d’avoir un calendrier culturel comme en métropole si on n’a pas les outils pour structurer la profession”, relève Sophie Huvet.
La première partie de “Comptons-nous” prouve déjà qu’il y a des artistes sur l’île, et une envie forte de développer ce secteur. “On est tous agacés d’entendre qu’il n’y a rien. On veut montrer qu’on existe, et qu’on est là pour répondre à une problématique sociale liée à une jeunesse qui est loin de ce qu’on dépeint dans les journaux”, témoigne Sophie Huvet. “Ce sont pas des délinquants, ils ont juste rien à faire. On veut aller dans les quartiers, engager des gamins qui sont en déshérence. Ils ont un tel besoin de s’exprimer ! Dans le hip-hop, la musique, le théâtre, le dessin… c’est une explosion, on le voit tous”.
Marine WOLF