Message au ministère des outre-mer : « On a besoin de fonctionnaires disruptifs* à Mayotte »

Qu’il soit annonciateur ou non de la visite du ministre des outre-mer, le passage de David Carmier à Koungou, a été l’occasion de faire passer des messages sur la capacité des fonctionnaires en mission à Mayotte à mettre en place les projets. Il s'agit plus de volonté que d'ingénierie.

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David Carmier, Sébastien Lecornu, NPRU, Mayotte
Face à David Carmier (à droite), Mélanie Guilbaud pointe les freins administratifs

Dans un communiqué se réjouissant du financement de 8.000 logements sur les 5 DOM en 2020, le ministre des outre-mer avait livré le chiffre de 250 pour Mayotte. Quand le préfet Jean-François Colombet en avait évalué le besoin à 3.000. Donnant une idée des freins qu’il faut urgemment lever. De passage à Mayotte, David Carmier l’adjoint de Philippe Gustin, directeur de cabinet de Sébastien Lecronu ne pouvait que se déplacer sur une des solutions envisagées pour le territoire : les LLTSA du village relais de Dubaï.

C’est en pleine foire ramadan – qui n’avait d’annulée que l’arrêté communal – que s’est faufilée la voiture de David Carmier mercredi dernier, dans une rue noire de monde à Majikavo Dubaï. Présent sur le territoire pendant plusieurs jours, il succède à Sophie Brocas, Directrice Générale des Outremer, dans le cadre des concertations menées par le préfet sur le projet de loi Mayotte, mais aussi pour affiner sa connaissance d’un territoire qu’il a découvert en septembre 2020.

Le cabinet du ministre, endroit stratégique des remontées de terrain, et des ressentis, bons ou mauvais, sur des territoires mal connus à Paris. Pour sa visite actuelle dans le 101ème département, le parcours de David Carmier passait donc par le projet innovant en matière de logement social du Nouveau Programme de Rénovation urbaine (NPRU) de Majikavo Dubaï. L’ensemble d’habitations conçues en Logement locatif Très social et Accompagné (LLTSA) a été inauguré le mois dernier par le préfet et les institutionnels. Après une opération de démolition de bidonvilles, il s’agit de reloger les habitants dont la situation administrative le permet, dans des maisons succinctes, mais raccordées à l’eau, l’électricité et l’assainissement. Le loyer est le même que celui payé jadis dans les cases en tôles, avec davantage de confort et un toit en dur. « Nous venons de démontrer que les bidonvilles ne sont pas une fatalité », avait clamé le préfet qui mène ces opérations de démolition d’habitats insalubres tambour battant.

Une nouvelle locataire visitait son logement de NPRU à Dubaï le mois dernier

« Chaque année, ce sont 20 à 30 ha qui disparaissent »

Après cette première expérimentation qui a demandé des trésors d’inventivité, notamment en matière de méthodologie, il s’agit de dupliquer le programme autant de fois que nécessaire sur le territoire. C’est là qu’un appui politique fort est attendu du ministère, lui expliquait Mélanie Guilbaud, Responsable de l’unité Projets Urbains Intégrés à la mairie de Koungou : « Les bidonvilles, on s’en fait tout un monde, mais ce n’est pas insurmontable. La superficie de Mayotte est comparable au XVème arrondissement de Paris, on doit donc y arriver. Mais si une plateforme d’ingénierie se met en place, ce qu’il nous faut maintenant, ce sont des fonctionnaires disruptifs, qui vont de l’avant ». Un appel du pied qui n’aura pas échappé à David Carmier, car ce n’est pas la 1ère fois que l’impatience se fait entendre en direction des services déconcentrés de l’Etat chargés de mettre en musique les politiques publiques. Et qui sont les mêmes à remonter dans les ministères une grande fatalité et un grand pessimisme vis à vis de Mayotte, alors qu’il leur suffirait de retrousser leurs manches.

L’architecte du projet, Attila Cheyssial, mettait en garde contre les lenteurs administratives, « le temps joue contre nous, notamment sur l’environnement. Chaque année, ce sont 20 à 30 hectares de l’île qui disparaissent sous l’effet de l’extension de l’habitat. » Et Mélanie Guilbaud renchérissait sur le thème de la mobilisation des décideurs, « c’est contre l’inaction qu’il faut se bagarrer. Une fois que la police de l’urbanisme a constaté et que le préfet fait démolir en maniant la loi Elan, on peut relancer rapidement des programmes comme celui développé à Dubaï si chaque acteur est dans la même dynamique ».

Attila Cheyssial développe le potentiel du programme

Un programme qui permet de construire 80 maisons à l’hectare, « et 150 si ce sont des petits immeubles », complétait Attila Cheyssial.

David Carmier comprenait l’enjeu global, « il faut donner des perspectives de logement et reprendre le contrôle du foncier et de l’environnement ». Mais pour y arriver, l’équipe communale compte sur lui comme porte-parole du défi de la nomination sur place de représentants de l’Etat capables de surmonter les freins administratifs et non de les brandir comme excuses.

Une visite qui en annonce une autre, celle du ministre Sébastien Lecornu vraisemblablement début juillet, selon les informations glanées, ça et là, notamment évoquée par Jean-François Colombet aux audiences libres tenues à la mairie de Bandraboua la semaine dernière.

Anne Perzo-Lafond

* Qui rompt avec les habitudes en renouvelant le fonctionnement

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