Comores – La date du 26 mai 2021 divise pouvoir et opposition

Pour les opposants au président Azali Assoumani, le 26 mai 2021 marque "la fin du mandat" de ce dernier, entamé en 2016 alors que le pouvoir célèbre "les deux ans" de l’investiture d’un nouveau mandat entériné en mai 2019.

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Comores, Azali, Ceni
Une rue de Moroni

La date du 26 mai 2021 alimente des contradictions animées aux Comores. Les partisans du pouvoir comme ceux de l’opposition ont une lecture différente sur cette date. Dans les rues de Moroni, ce mardi 25 mai, aucun signe avant-coureur d’une situation explosive sur les îles mais tout se joue sur les réseaux sociaux par plateformes interposées.

Les opposants au président Azali Assoumani demandent le départ de ce dernier, estimant que « son mandat prend fin le 26 mai 2021 ». Le Front commun des forces vives fonde son argumentaire sur la constitution de 2001, révisée en 2009, et qui a permis à l’actuel chef de l’Etat d’être élu en avril 2016.

« Nous ne pouvons pas accepter que cette situation perdure encore au-delà du 26 mai. Nous considérons que le mandat prend fin ce 26 mai 2021, Azali Assoumani ne devrait pas être le président à partir de cette date », a souligné, samedi dernier, Hassane Ahmed El Barwane, le secrétaire général du Front commun des forces vives, une plateforme de partis politiques opposés au régime en place.

Du côté du pouvoir, l’on accueille cette posture avec moquerie et étonnement. Le porte-parole du gouvernement, Houmed M’saidie estime que l’opposition est dans le déni. « Le mandat du président prend fin le 26 mai 2024. Il y a une constitution adoptée en 2018, il y avait une élection en 2019, ils étaient tous candidats à cette élection. Et aujourd’hui ils reviennent pour dire ne pas reconnaitre la constitution de 2018, c’est ridicule », a-t-il fulminé lundi soir à la télévision nationale.

Comores, Azali Assoumani
Opposition au maintien du président Azali Assoumani à la tête du pays jusqu’en 2024

La journée du 24 mars 2019

La rupture du dialogue entre pouvoir et opposition a été consommée au lendemain de l’annonce d’un projet de réforme constitutionnelle proposé après des Assises nationales organisée du 4 au 12 février 2018. Les opposants étaient vent debout contre la révision de la constitution. Pour eux, la nouvelle réforme constitutionnelle risquait de perturber le cycle de la présidence tournante entre les îles. Si rien n’avait été fait, le tour aurait dû revenir en mai 2021 à l’île d’Anjouan pour diriger les destinées de l’archipel.

Malgré tout, le scrutin référendaire aura bien lieu le 30 juillet 2018 et débouchera sur « un Oui massif ». La nouvelle constitution prévoit alors des élections générales anticipées 12 mois après. De nombreux candidats de l’opposition participeront à l’élection présidentielle du 24 mars 2019.

Tout allait dans les meilleures des mondes. Les opérations de vote démarrent dans un calme légendaire. Mais les opposants au candidat Azali Assoumani soupçonnent « des manœuvres de bourrages d’urnes dans certaines localités » et appellent au boycott en milieu de journée. Les forces de sécurité sont alors déployées pour protéger le matériel électoral et le personnel de supervision.

A 14h ce jour-là, les opposants demandent aux citoyens de « casser les urnes par tous les moyens », engendrant des altercations entre des jeunes et des responsables des structures électorales dans quelques fiefs de l’opposition. La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) publie les résultats provisoires. Azali Assoumani sera crédité de 60,77% des suffrages contre 14,62% en faveur du candidat du parti Juwa, Mahamoudou Ahamada. Les résultats seront contestés en bloc par une dizaine de candidats.
Mais, après annulation de certains bureaux de vote et redressement des résultats provisoires, la Cour suprême déclarera Azali Assoumani élu à 59, 07% contre 15,71% pour le candidat Mahamoudou Ahamada. Au total, 6.502 bulletins seront annulés. Les candidats opposés contesteront les résultats définitifs et dénonceront « une mascarade électorale ». Ainsi, naîtra un climat politique délétère entre pouvoir et opposition. Des observateurs internationaux avaient noté « des irrégularités dans certaines zones » mais qui « n’étaient pas de nature à remettre en cause le processus dans son ensemble ».

Le président Azali Assoumani sera investi chef de l’Etat le 26 mai 2019 par la Cour suprême pour un nouveau mandat de cinq ans en présence de la communauté internationale au grand stade de Malouzini. Depuis mars 2019, le désamour s’installe entre pouvoir et opposition. Le premier considère que le mandat court jusqu’en 2024, le second rejette la réélection d’Azali Assoumani en mars 2019 et estime que le mandat de ce dernier reste celui entamé depuis 2016. Depuis 2019, des scènes d’arrestations seront observées « officiellement pour troubles à l’ordre public ou manœuvres de déstabilisation » mais les opposants continuaient à défendre « la fin du mandat le 26 mai 2021 ». L’agitation est plus vive sur la toile que sur le terrain.

Lundi 24 mai, dans deux communiqués, l’opposition appelle la population à refuser « l’état de fait » en protestant pacifiquement ce mercredi 26 mai sur l’ensemble du pays contre « toute légalité constitutionnelle au-delà du 26 mai 2021 ». Le pouvoir, de son côté, demande aux citoyens à ne pas céder « à la manipulation politicienne » et à vaquer à leurs occupations en cette journée du 26 mai qui « marque le deuxième anniversaire du nouveau mandat » du président Azali Assoumani.

De notre correspondant A.S. Kemba à Moroni

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