Le sujet des transports publics est un des points clé de la campagne des départementales. Caribus, Treni bile (Train bleu), desserte maritime, téléphérique entre Grande et Petite Terre… « dessine-moi un projet », devient l’urgence, face aux embouteillages grandissants le matin, incitant scolaires et salariés à mettre le réveil jusqu’avant 4h du matin. Depuis sa naissance, nous avons cru dans le projet Caribus, qui était proche d’éclore, avant d’être repris par la nouvelle majorité de la CADEMA, installée à l’issue des élections municipales de juin 2020. Il s’agit d’implanter une voie dédiée aux bus, avec pôles d’échange où les dessertes par taxis ou autre, prendront le relais.
Si la compétence des transports publics revient aux régions en France, elle est exercée par le conseil départemental à Mayotte sur l’ensemble du territoire, notamment entre deux interco. Mais à l’intérieur d’une communauté d’agglomération comme la CADEMA, (Communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou), il revient à cette dernière de les organiser.
Bien que la crise Covid, économique et sanitaire, a bouleversé les agendas, le projet semblait prêt d’éclore avant les municipales de juin 2020. Les nouveaux visages sortis des urnes, ont rebattu les cartes. Mus par différents objectifs. On a craint pendant un moment que la mésentente entre le maire de Mamoudzou et le président de la CADEMA, Rachadi Saindou, ne déteigne sur la poursuite du projet, mais il n’en est rien nous assure ce dernier qui fait le point : « Nous commençons à travailler ensemble. A la CADEMA, nous avons tout remis à zéro, car le marché n’était pas assez alloti. Certains lots étaient surévalués, les autres sous-évalués. Cela va permettre à davantage de société de répondre et de travailler. »
Inflation dans l’investissement
Le problème de l’ingénierie se pose malgré tout sur un tel chantier, unique à Mayotte, où un petit maçon n’a pas sa place : « Nous avons décidé de ne solliciter que les entreprises du territoire, sans nous adresser à La Réunion ou en métropole. Ce sont les grosses majors, mais elles font travailler des plus petits. A elles de faire venir de l’ingénierie. »
Le marché est désormais scindé en 8 lots : deux sur le terrassement, la voirie et le réseau divers, divisé en plusieurs tronçons de route, deux sur la réalisation d’ouvrages d’art, deux sur les aménagements paysagers, et deux sur les enrobés et signalisations horizontales. Si le risque de dérives financières liées à le multiplication des marchés est n’est pas à négliger, le résultat est au rendez-vous, selon le président de la CADEMA : « Avant, c’est une même société qui gérait la totalité du secteur. Tout d’abord, nous diminuons les risques, et ensuite, cela nous a permis de boucler le financement de la 1ère tranche ».
Entre les deux, l’investissement total a subi une forte inflation, puisqu’il est passé de 145 millions à 230 millions d’euros. Une des explications tient notamment dans le fait que chaque entreprise facture l’importation d’ingénierie de l’extérieur. C’est une des difficultés qu’avait pointé l’ancienne ministre Annick Girardin, qui avait jugé que les compétences faisaient défaut. Un challenge pour le territoire qui, s’il présente un cahier de commandes assez étoffé, pourra sans doute pérenniser ces compétences sur place.
Autre explication fournie par le DGS de la CADEMA, Anzizi Hairoudine, la formulation du projet : « Auparavant, il y avait un saucissonnage qui n’intégrait pas la totalité des investissements à mener. Ils avaient inscrit les lignes en fonction des subventions. Nous avons chiffré l’intégralité pour ensuite solliciter les partenaires à la hauteur de ce qu’ils pouvaient mettre. L’investissement que nous donnons comprend tout, notamment l’achat des bus. »
Partiellement opérationnel en 2023
Il a été décidé de travailler en deux temps, ce qui devrait permettre d’utiliser partiellement l’enveloppe européenne actuelle. La première tranche se monte à 45 millions d’euros et est entièrement financée, indique Rachadi Saindou. Les travaux commenceront au sud de Mamoudzou, du rond-point du Baobab au rond-point SFR. « Nous bénéficions de 10 millions d’euros du Feder 2014-2020, de 22 millions d’euros de l’Etat, de 5 millions d’euros du conseil départemental, 3 millions de la CADEMA, 0,37 million de l’AFD et 70.000 euros de l’Ademe. »
Le gros morceau, c’est la 2ème tranche, qui se monte à 188 millions d’euros, partiellement financée elle, qui portera sur la partie nord, Kawéni, du rond-point SFR aux Hauts Vallons, sujette à discussions, notamment de la part de chefs d’entreprise qui craignent pour leur activité le temps des travaux.
Les travaux de la 1ère tranche devraient être lancés au 4 trimestre de cette année, car le temps presse, rapporte Anzizi Hairoudine : « Nous devons mettre partiellement en service la 1ère tranche avant fin 2023, sinon nous perdrons les 10 millions d’euros de fonds Feder de l’enveloppe actuelle. »
Le Feder 2021-2027 pourra être sollicité pour la 2ème tranche, « à hauteur de 26 millions d’euros », en ajoutant le fonds européen REACT-EU, soit 42 millions d’euros au total. La CADEMA a déposé un dossier pour bénéficier du Grenelle, et peut compter sur la part de FCTVA (Fonds de récupération de la TVA) de 37 millions d’euros, calculé sur l’ensemble des deux tranches.
Si la 1ère tranche est bouclée, avec un début des travaux d’ici la fin de l’année, il va falloir démarcher pour la seconde. Pour l’instant, Rachadi Saindou se félicite de la dynamique de l’ensemble, « l’Etat nous soutient fortement ». Le premier projet de transport en commun terrestre semble sur les rails…
Anne Perzo-Lafond