Au concours d’éloquence, les voix et les voies de l’émancipation

Tenue mercredi au collège de Kwalé, la finale du concours d’éloquence de l’académie de Mayotte a donné lieu à des prestations aussi riches que diverses, témoignant d’un engagement pour la langue comme pour les idées. Inspirant.

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"Est-ce que c'était mieux avant ?" Oui, doit répondre Soummaya qui, à son tour, questionne l'auditoire : "Pensez-vous que l'on vive bien?", "dans un monde ou soit tu ne travailles pas, soit tu te tues au travail".

Petits héros et déjà grands hérauts. Sur les traces de Démosthène, collégiens et lycéens des quatre coins de l’île s’élancent face à un amphithéâtre comble. Tour à tour, les voilà sommés de vaincre leur peur pour convaincre l’auditeur. Un jury de juristes et journalistes, accompagnés par le recteur et présidé par Mouhoutar Salim scrute leurs gestes, pèse leurs mots, analyse leurs idées. Car c’est tout cela qui fait l’éloquence requise chez les candidats. À laquelle ils ajoutent souvent de l’élégance, et un peu d’impertinence. Le cocktail est réjouissant, pétillant et parfois brillant.

« On ne fait pas la morale aux gens quand on est esclavagiste », lance par exemple Heddy dans un renversement de situation à l’attention de Voltaire. Si, à l’image de l’élève du LPO de Dembéni, les lycéens se devaient de discourir sur un personnage tiré au sort, les collégiens s’affrontaient quant à eux en duel. À charge de ces derniers donc de plaider le « oui » ou le « non » à des questions aussi philosophiques que modernes telles que : « le

Les collégiens se sont affrontés autour de six duels, chacun devant défendre le « oui » ou le « non » à une question imposée.

monde après covid sera-t-il meilleur ? », « qui veut la paix prépare-t-il la guerre ? », « faut-il supprimer la cancel culture » ou encore « est-ce que c’était mieux avant ? ».

D’Antigone à Thomas Pesquet

Des sujets tout droit sortis des têtes de Mouniati Moana, professeure d’Histoire-géographie et chargée de mission au rectorat, et de Loëtizia Fayolle, inspectrice dans la même matière. Lesquelles se réjouissent d’avoir pu, à force de patience, organiser l’évènement alors que les demi-finales ont été jugées sur enregistrement en raison de la crise sanitaire. De quoi faire écho à la question posée à Julie et Irmah. Quand la première assure que le monde après covid sera meilleur car synonyme de libertés en partie retrouvées face aux maux de l’enfermement, son opposante s’émeut « d’un monde sans sourires » où « l’autre est un danger ». Percutant.

Côté lycéens, voilà El Hamid qui nous rappelle « qu’il y a aujourd’hui encore dans les prisons de Turquie des Antigone anonymes » après avoir fait l’éloge de «celle qui dit non aux lois de la Cité pour dire oui à ses idées ». Asma enjoint quant à elle de « croire en ses rêves », tirant du voyage de Thomas Pesquet, « notre Petit Prince » un émouvant conte de faits.

Black Panther au sommet

Une leçon de persévérance qu’avait d’ailleurs déjà fait sienne Mouniati Moana, la co-organisatrice du concours. En amont des duels, la professeure raconte comment, d’une

D’Antigone à Rosa Parks, El Hamid défend « celle qui dit non aux lois de la Cité pour dire oui à ses idées ».

expérience réalisée dans son collège de Kawéni, elle a su créer un rassemblement académique de haute volée. « En devenant chargée de mission au rectorat, je me suis dit que c’était l’occasion rêvée pour faire cela. J’ai trouvé un écho favorable au sein du rectorat et après une étape de formation des enseignants qui accompagnent les élèves, nous avons pu commencer à organiser le concours », se réjouit celle qui partant du constat d’un manque de travail oral, a pu assister à la métamorphose d’élèves. « Ce genre d’exercice permet un gain de confiance énorme, réussir à parler comme ça devant un public à cet âge là, ça ouvre les champs des possibles ».

Preuve en est, le premier prix lycéen sera décerné à Mina Chamouine suite à sa prestation portant sur Black Panther, le premier super héros noir de Marvel. Tout un symbole.

Grégoire Mérot

Les lauréats :

Catégorie lycéens :

  • 1/ Mina Chamouine (Black Panther)
  • 2/ Asma Soudjoudane (Thomas Pesquet)
  • 3/ Heddy Nairi (Voltaire)

Catégorie collégiens :

  • Souffou Hosseine (Doit-on tout risquer en amour ? Plaidoirie du oui)
  • Spello Irmah (Le monde après covid sera-t-il meilleur ? Plaidoirie du non )
  • Antoy Kémil (Qui veut la paix prépare-t-il la guerre ? Plaidoirie du non)
  • Kamardine Aïcha (Faut-il supprimer la cancel culture ? Plaidoirie du oui)
  • Issa Gilles (Les méchants doivent-ils mourir dans les films ? Plaidoirie du non)
  • Houssen Soummaya (Est-ce que c’était mieux avant ? Plaidoirie du oui)
  • Absoir Isaac (Est-ce que c’était mieux avant ? Plaidoirie du non)

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