Ce sont 60 jeunes de 7 à 20 ans, encadrés par une quinzaine de jeunes adultes bénévoles – les « chefs » dans le jargon scout – qui ont été accueillis sur le site de Mtsangabeach. Au programme : des grands jeux, des services et des repas en commun cuisinés sur le feu, des moments de discussion, des chants et une veillée le soir. « Le week-end a rassemblé tous les jeunes qu’on accueille au groupe Amani-Paix, ainsi qu’une trentaine d’invités . Ils sont venus parce qu’ils étaient des amis de nos scouts ou parce qu’ils avaient vu les affiches » », explique Elouan Ameline, chef scout. « Nous avions aussi proposé aux associations Apprentis d’Auteuil et Kazyadance de nous rejoindre ».
Le groupe a ainsi accueilli des membres de Kazyadance, la compagnie qui dirige le Royaume des Fleurs, cette fabrique artistique où des jeunes de tous milieux se retrouvent pour danser. Presque tous venaient de la Vigie, le plus grand bidonville de Petite Terre.
« C’est rare pour eux de sortir de leur quartier », révèle Willy Mariama Alhad, animateur de Kazyadance. « Je voulais qu’ils découvrent qu’il y a d’autres jeunes avec qui ils peuvent échanger, qu’ils voient qu’il y a autre chose que rester dehors sans rien faire et tomber dans la délinquance. Et ils ont réellement apprécié. Ils ont aimé l’échange, la découverte, ce qu’on a fait pendant le week-end. Pour moi c’était une première, je ne savais pas ce qu’était le scoutisme. J’ai aimé voir les jeunes apprendre à se connaitre. C’était vraiment magnifique ».
Des membres d’Apprentis d’Auteuil étaient également présents. L’association mène une action éducative et sociale auprès des jeunes et de leurs familles qui se trouvent à distance des réseaux d’insertion habituels. Pour le week-end découverte, les bénévoles avaient fait venir des jeunes de Bouyouni, Bandraboua et Dzoumogné. « Ils habitent des quartiers dans la campagne, très isolés. Une seule fille du groupe est scolarisée, les autres travaillent car ils n’ont pas accès à l’école. C’était très différent de ce qu’ils connaissaient. Ils ont été impressionnés, et maintenant ils veulent tous continuer. Ils veulent sortir de leur quartier », témoigne Teresa Castano, accompagnatrice d’Apprentis d’Auteuil.
L’objectif du groupe est à présent de rendre le scoutisme accessible à autant de jeunes que possible*. « À Mayotte nous avons une belle marge de progression pour faire vivre les valeurs scoutes que sont le vivre-ensemble, la protection de la nature, la solidarité, l’apprentissage par le jeu… », note Anne-Gaël Chapuis-Mirol, responsable du groupe Amani-Paix.
Ce mouvement, né en 1907, comprend aujourd’hui 50 millions de membres présents dans près de 220 pays. Au fil des décennies, tout en conservant un socle de valeurs communes, il s’est adapté aux régions dans lesquelles il s’implantait. À Mayotte, cet enjeu d’adaptation est central, comme le constate Elouan Ameline : « Le scoutisme mahorais se cherche encore, car il y a une différence de culture avec la Métropole. On se pose beaucoup de questions autour de la langue, de la mixité sociale, de la religion… Le scoutisme à Mayotte a besoin de se créer, de construire son identité ».
Si le défi est de taille, l’expérience semble pourtant déjà convaincre. « Je pense que le scoutisme est une bonne solution pour beaucoup de problématiques de Mayotte », affirme Teresa Castano. « Ce sont des valeurs positives qu’on inculque aux plus petits, on leur apprend à vivre ensemble. Le plus intéressant, je trouve, ça a été les différents « Mayotte » qui se sont croisés. Ce n’était pas les mêmes types de jeunes, pas les mêmes habitudes, pas la même manière de vivre sur l’île. Ils se sont rencontrés, ils ont montré que c’est possible »
Marine Wolf
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