Lutter contre les violences d’un coup de baguette, c’est possible

Désormais représenté à Mayotte, le collectif #NousToutes qui lutte contre les violences faites aux femmes s'est lancé dans une action de sensibilisation. Des sacs à pain sont distribués dans les boulangeries pour faire connaître le numéro vert 3919 et le "violentomètre", une échelle des violences au sein du couple.

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Dans la boulangerie Anfiat à Chirongui, le message est relayé

53 féminicides sont recensés depuis le début de l’année 2021. C’est deux par semaine en moyenne au niveau national. En 2019, ce chiffre avait atteint 146, pour chuter à 90 en 2020. Mais les violences conjugales, elles, auraient explosé pendant la crise sanitaire.

« En mars 2020 on a noté avec le confinement une recrudescence des violences conjugales avec des appels au 3919 qui se multipliaient » déplore Cécile Brizi, enseignante à Chirongui. Cette sympathisante de la première heure du mouvement #NousToutes a alors décidé, avec d’autres militantes féministes, d’agir ici, à Mayotte, où les violences faites aux femmes ont augmenté pendant le confinement. Le collectif « NousToutes976 était né.

Au niveau national, une des principales actions du collectif réside dans des formations en ligne portant sur le droit en matière de violences volontaires, au sein du couple comme dans l’entreprise, et des atteintes sexistes en général, avec parmi ses cheffes de file Caroline de Haas. « J’ai incité mes élèves à les suivre » indique l’enseignante, soucieuse de voir les jeunes filles au fait de leurs droits.

Puis en 2021, l’opportunité d’une action déclinable à Mayotte s’est présentée.

Aux saveurs du bon pain à Pamandzi (Photo DR)

 » Une militante a eu l’idée de faire imprimer sur des sachets de pain, habituellement blancs avec un petit dessin comme une gerbe de blé, avec les numéros d’urgence et le violentomètre qui permettent aux femmes de réaliser qu’elles sont maltraitées. C’est un outil qui existe depuis 3 ou 4 ans mais qui était peu utilisé, et qui a pu faire prendre conscience à de femmes qu’elles font l’objet de violences. Ces sachets ont été imprimés avec des tarifs défiant toute concurrence d’une imprimerie engagée. Suite à une cagnotte en ligne, on a édité 70 000 sachets. 1000 ont été commandés à Mayotte. »

Les sachets présentent donc le numéro gratuit 3919 dédié aux femmes victimes de violences, mais aussi une grille* allant du vert au rouge, selon les situations « normales » et celles qui doivent « alerter ». Or, le glissement peut être difficile à percevoir. Ce visuel très coloré prend dès lors tout son sens.

Etape suivante pour la militante #NousToutes976 et ses camarades, contacter les boulangeries pour les convaincre d’utiliser ces sachets. Les premiers contacts ont été une agréable surprise.

« Quand on contacte les boulangeries les gens peuvent être au départ un peu méfiants mais dès qu’on explique, tous se montrent très accueillants, bienveillants. Le problème c’est que les sachets ne sont pas forcément adaptés aux pains qui sont vendus en dehors de Mamoudzou et Petite Terre. »

En effet, les sachets commandés au niveau national par le collectif ne concernent que des baguettes. Or, ce pain reste peu vendu à Mayotte en dehors des grandes surfaces et de quelques boulangeries, surtout sur Mamoudzou et Petite Terre. Ce qui n’a pas empêché une vingtaine de boulangeries d’accepter de jouer le jeu. Résultat, chacun s’est vu remettre environ 40 sachets pour baguettes. Avec l’espoir que ce soit « à chaque fois 40 familles touchées ».

« Un début »

La boulangerie Ahamadi à Malamani joue aussi le jeu (Photo DR)

Cette action, dont l’étape de la distribution touche déjà à sa fin, n’est « qu’un début » assure toutefois la militante. Les militantes se confrontent en effet à la difficulté de faire comprendre le message porté par les sachets offerts. « Ca saute aux yeux qu’il faut une traduction et une adaptation aux langues locales, on est sur ce projet » indique Cécile Brizi. A terme, cette dernière a bon espoir de faire imprimer spécialement pour Mayotte « 10 à 20 fois plus » de sachets, « adaptés aux petits pains qui se vendent à Mayotte ».

Une telle montée en puissance nécessitera l’appui des collectivités locales, mais aurait un double avantage : amener dans tous les foyers le numéro vert 3919 et le « violentomètre », mais aussi aider à remplacer enfin les sachets en plastiques omniprésents, dont beaucoup finissent dans le lagon. Autre projet, travailler sur des « sachets de pharmacie », avec là encore la volonté de rendre le message le plus audible possible, pour le plus grand nombre.

« Peut être que l’étape suivante c’est aussi de proposer des formations dans les villages en shimaoré et kibushi. Mais là on est surtout dans une action qui consiste à impulser une dynamique » poursuit la bénévole qui se veut optimiste. « A Mayotte l’omerta est en train de disparaître grâce à des jeunes filles et à des actions menées par d’autres associations », comme les tables rondes au collège que nous avons couvertes, et qui donnent presque toutes lieu à des signalement de situations violentes. En libérant la parole, toutes ces initiatives agissent en synergie, et pourraient bien finir par faire reculer le fléau des violences conjugales.

*voir ci-contre : Le Violentomètre  et L’affiche du collectif

Y.D.

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