« Un Medef carré de chez carré ». L’expression fétiche de Carla Baltus, la présidente de l’organisation patronale prend sa source dans les déboires qu’a connu l’institution avant son arrivée en 2018. « On est revenu de loin et travailler pour redorer l’image du Medef, n’est-ce-pas Michel ?! », en s’adressant à Michel Taillefer, le patron historique et président d’honneur du Medef (Mouvement des entreprises de France) de Mayotte, « mon mentor ». « Nous avons fait la preuve que nous ne sommes pas là pour nous en mettre plein les poches, mais au contraire, pour accompagner l’économie, on fait d’ailleurs appel à nous tous les jours ».
La nouvelle image passe par la certification des comptes par un commissaire pour la première fois, sur les années Baltus 2018-2021, et par la mise au vote des prestations fournies au Medef par trois de ses membres, Artemis (émanation de la société de gardiennage Sandragon de Michel Taillefer) pour 1.780 euros en 2019, Winner, pour 2.900 euros et le Centre d’affaires, 585 euros. Ces trois conventions règlementées étaient approuvées par l’ensemble de la quarantaine de chefs d’entreprises sur les 90 que compte le Medef, moins trois abstentions. Un geste de « transparence, pour être carré de chez carré, on n’a rien à cacher », martèlera Carla Baltus en pied de nez aux irrégularités reprochées à son prédécesseur qui avait été placé en garde à vue.
Le Medef Mayotte est à l’échelle du territoire, « une association qui a peu de volume », dira le commissaire aux comptes, au regard de ses voisines, mais qui dégage chaque année un excédent lui permettant de passer de un à trois salariés.
« ‘2036, il faut l’oublier !’, nous a dit le préfet »
Face aux défis de taille qui l’attendent, l’organisation patronale a maintenu les rangs serrés à travers une intersyndicale depuis 2018, avec l’UMIH (L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie), la CPME (Confédération des Petites et Moyennes entreprises), le CME (Collectif du monde économique) et la FMBTP. « Nous avons ainsi pu produire des contributions groupées au projet de loi Mayotte », se réjouit Carla Baltus.
Et il va falloir une cohésion pour appréhender celui qui arrive en pôle position des « combats du Medef » : les convergences sociales. Elles étaient inscrites dans un temps long, trop long, et c’est un des principaux défis du projet de loi Mayotte : « ‘2036, il faut l’oublier !’, nous a dit le préfet. On n’y échappera pas, alors autant être force de propositions ». La principale, on l’a vu, est de proposer que l’Etat aussi face sa part dans l’accroissement de la convergence des droits sociaux, notamment sur les retraites ou sur une indexation supplémentaire pour les fonctionnaires. Tout ce qui augmentera mécaniquement le pouvoir d’achat des salariés ou des retraités bénéficiera automatiquement aux entreprises de la place. Autre proposition du patronat qui ne voit pas augmenter ses charges du SMIC de gaité de cœur, renforcer la LODEOM, dispositif d’exonération de cotisations d’?assurances sociales et d’allocations familiales. « Il ne s’appliquait que sur les bas salaires, or, ils vont augmenter ».
« Plusieurs dizaines de millions d’euros dehors »
La crise sanitaire, les chefs d’entreprises en parlent peu, ils sont davantage affectés par les délais de paiement. De la part de l’Etat d’abord, revendiquent plusieurs membres, « on nous demande d’investir et d’accompagner, mais il y a plusieurs dizaines de millions d’euros dehors », propos atténués par Carla Baltus, « moi qui travaille sur deux départements, je peux vous dire qu’on est pas à plaindre », et de la part des collectivités ensuite. C’est Damien Rietsch, Vinci, qui prend le relais : « Pour que les entreprises puissent être payées par le syndicat des eaux pour les travaux effectués, le conseil départemental a versé 15 millions d’euros. Mais des administratifs bloquent et le paiement n’est pas encore passé par le Payeur général ! »
Les recours sont peu nombreux, « la justice, mais ce n’est pas elle qui verse les montants ». Un combat sur lequel le Medef Mayotte est manifestement attendu par ses adhérents. De même que celui des montants aléatoires des fonds de solidarité.
L’heure est également venue du remboursement des Prêts Garantis par l’Etat (PGE), proposés pendant la crise sanitaire, que les patrons verraient bien convertis en subventions, ou « en prolonger le remboursement ».
Sur le port de Longoni et l’aéroport, un travail sera mené avec le Medef international « au regard des enjeux du gaz du Mozambique ».
La reconnaissance des travailleurs indépendants reste une des priorités du Medef Mayotte, et de Carla Baltus en particulier, « on ne peut pas nous laisser sans droit, sans rien ».
L’AG se clôturait par l’élection du nouveau conseil d’administration* du Medef, composé à 50% d’anciens, et donc de jeunots, avec la reconduction de sa présidente, qui était seule à déposer une liste, « la reconnaissance du travail accompli », concluait Carla Baltus.
Anne Perzo-Lafond
* Assani Asmai, Durandal, Assani Hanaffi Nizar, Deltah Immo, Michel Causse, Centre d’Affaires, Julien Champiat, FMBTP, Franck Chevrere, Colas, Marianne Gouis, Winner, Fahardine Mohamed, MCF, Nasrudine Mlanao, Sodifram, Jean-Luc Ojeda, Groupama, Damien Rietsch, SMAE, Marcel Rinaldi, 3M, Nazra Selemani, Placidom et Frédéric Turlan, Copharma