Ils sont alignés en position de garde à vous comme s’ils avaient fait ça toute leur vie. Et pourtant, cela fait quelques heures à peine que les jeunes candidats au Service National Universel (SNU) ont été accueillis au sein de l’internat d’excellence de Tsararano, comme des 18.000 comme eux en France ce lundi. Le site fait d’ailleurs partie des 143 centres répartis sur l’Hexagone et les outre-mer.
Il s’agit pour le président Macron qui l’a voulu, d’un moment de « mixité sociale », « un rendez-vous sans distinction de classes, d’origines ou de sexes », visant à « abattre des barrières sociales ». C’était une des vertus du service militaire, supprimé en 1997 par Jacques Chirac. Sa version 2019 n’était pour autant pas une version toilettée de l’ancienne formule, elle s’écarte un peu du militaire pour agréger davantage de civisme et de citoyenneté.
Ce sont les rectorats qui organisent le SNU au titre de la DRAJES (Directions régionales et départementales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale) qu’ils ont récupérée.
Gilles Halbout a ainsi rencontré ce lundi matin aux aurores les 44 jeunes qui vont participer à ce premier Service National Universel de l’île : « En 2019, quelques académies ont expérimenté le dispositif qui est maintenant étendu à l’ensemble du pays, avec un blanc en 2020 en raison du Covid. Il s’agit de jeunes volontaires, de 15 à 17 ans environ, qui sont soit scolarisés en classe de Seconde, soit en réorientation ou en décrochage. L’information a été diffusée par les enseignants pour les uns, ou par la Mission locale pour les autres. Avec un respect de la parité filles-garçons ». Le séjour de cohésion va durer deux semaines pendant lesquelles ces jeunes vont apprendre à se connaître en vivant à l’internat. Des sorties sont prévues, notamment au Choungui.
Un engagement sur deux temps différents
De 60 au départ, ils se retrouvent à 44 à intégrer le programme. Certains avaient oublié, quand pour d’autres ce sont les parents qui n’avaient pas compris la portée de l’engagement. Certains jeunes étaient également en période de stage en lycée professionnel.
La journée commence dès 5h45 par le lever du drapeau et la présentation des couleurs. Ensuite, et après le petit-déjeuner, l’agenda est rythmé par des activités touchant à la fois la vie en société (santé, accès aux droits, etc.) à la fois le domaine militaire (journée défense, stratégie, etc.), avec chaque jour des nettoyages de chambres, des sanitaires, etc.
Pour dispenser les cours de promotion à la santé, de lutte contre les discriminations, ou de premiers secours, développer la pratique du sport, et proposer des jeux sur la connaissance ou sur l’Europe, des enseignants volontaires ou des éducateurs spécialisés sont présents aux côtés de militaires, de forces de l’ordre. « Nous avons également sollicité plusieurs associations comme l’UFOLEP, la Ligue de l’enseignement, et des entreprises comme Total. »
Après ces deux semaines de séjour de cohésion, les jeunes seront suivis pendant un an pour réaliser des missions d’intérêt général, « cela va du soutien scolaire, à l’action en faveur de l’environnement, ou la santé, à chaque fois menées avec les institutions qui en ont la charge à Mayotte, dont l’ARS », complète Gilles Halbout.
« Nous leur faisons confiance »
Alors que le quotidien des habitants de l’île est pourri par les guerre de villages, ou de quartiers ou de clans, le recteur voit au moins trois effets bénéfiques au SNU : « Cela implique un brassage des jeunes et l’appropriation des valeurs de citoyenneté, notamment sur les moments symboliques comme le lever du drapeau, la transmission des valeurs de la République, le partage des chambrées, les travaux collectifs, etc. Pour Mayotte c’est un plus important. Mais nous travaillons aussi beaucoup sur l’engagement, en mettant en place des modules sur ce que le jeune veut faire après lors de sa mission, sur le travail dans une association de son choix. Et enfin, nous menons avec eux une réflexion sur leurs projets professionnels ou sur les études avec les différentes insertions possibles. Nous délivrons par exemple la Certification informatique Pix. »
Cela fait deux jours que Laura Prudent, Chargée de décliner le SNU à Mayotte, déroule cet emploi du temps concocté sur mesure : « Les jeunes adhèrent totalement. De la Marseillaise à 6h du matin avec la levée des couleurs, aux activités proposées, ils sont tous partants. » Le profil des jeunes sélectionnés est divers, « ils viennent majoritairement des lycées généraux et technologiques, à 25% de lycée professionnels, et deux sont envoyés par la Mission locale. L’objectif, est de leur faire comprendre que nous leur faisons confiance. Car au delà du séjour de cohésion, ils devront trouver la structure où ils feront leur mission d’intérêt général, c’est un engagement à prendre de leur part. »
Un programme complet qui peut à la fois recentrer des jeunes en décrochage, et faire se côtoyer plusieurs milieux sociaux. Le gouvernement envisage de généraliser le dispositif pour le rendre obligatoire à tous les jeunes de 16 ans dès 2024. « A terme, l’idée c’est que les jeunes se déplacent dans d’autres régions pour les séjours de cohésion afin qu’ils soient confrontés à d’autre contexte que celui de Mayotte », conclut le recteur.
Anne Perzo-Lafond