Mais où donc les Mahoraises et les Mahorais vont-ils faire leurs courses ? La réponse dépend principalement du milieu social de chaque ménage, indique l’Insee dans sa dernière publication.
D’une manière générale, « on constate que 55% des achats alimentaires sont faits dans les grandes surfaces alimentaires » indique Bertrand Aumand, de l’Insee. « Cela peut paraître beaucoup » poursuit-il, mais ce taux est à comparer avec celui du reste du pays, qui est de 69% en métropole, et de 77% à La Réunion.
Il apparaît ainsi que les ménages les plus précaires privilégient les magasins de proximité, en premier lieu desquels les quelque 2000 doukas qui maillent le territoire de Mayotte au plus près des habitants. Ce sont à l’inverse les ménages dits « non pauvres » qui pour 70% de leurs achats, optent pour les grandes surfaces. Un chiffre stable de 2011 à 2018 mais qui pourrait bondir lors de la prochaine publication de ce type. En effet c’est en 2018 que le centre commercial Baobab a été inauguré, ce qui a eu pour effet d’augmenter l’offre alimentaire en grande surface et d’attirer davantage de ménages notamment venant du sud de l’île. Pour ces ménages les plus aisés, seuls 10% des achats sont effectués en petites surfaces.
Les plus pauvres vont au plus près
Pour expliquer que « les plus pauvres privilégient les commerces de proximité », un chiffre clé : « seulement un ménage sur 10 a une voiture » rappelle le statisticien. « On retient que les gens aisés vont plus en grande surface, car ils ont une voiture et peuvent se déplacer et transporter leurs achats ». A l’inverse, ces derniers ont tendance à bouder les plus petits magasins, qui ont une offre moins diversifiée.
Pour autant, les petites surfaces n’en voient pas leur avenir compromis : avec 24% de part de marché sur l’alimentaire, c’est quatre fois plus qu’en métropole. Par ailleurs, poussées par les deux gros distributeurs que sont BDM et Sodifram, « les petites surfaces locales sont en plein essor » constate l’Insee.
Leur principal concurrent reste le commerce itinérant. « 70% des produits frais sont achetés sur les bords de route ou au marché (poisson, fruits et légumes) ainsi que 60% des vêtements » note l’institut statistique, qui montre ainsi l’attachement des Mahorais à ce mode d’achat.
Outre le choix du lieu de courses, la part du budget alimentaire témoigne également des inégalités sociales fortes qui persistent dans le département. « Les plus aisés y consacrent 17% de leur budget » indique l’Insee, tandis que les plus précaires réservent plus du tiers de leurs revenus aux dépenses alimentaires.
Autre effet de ces inégalités sociales, le marché des produits dits « durables », donc non alimentaires, comme l’ameublement, l’électroménager ou l’informatique. Près d’un achat sur cinq a ainsi lieu en dehors du département de Mayotte, principalement pour les ordinateurs portables, plus chers et moins variés à Mayotte qu’ailleurs, et faciles à emporter dans ses bagages. Pour les produits qui ne sont pas achetés à l’extérieur, il est intéressant de note qu’à Mayotte, on privilégie volontiers les magasins spécialisés.
Accroissement des revenus… et des inégalités
Les ¾ des achats de biens durables se font en magasins spécialisés, cela représente 84% de l’électroménager, et 65% des meubles. « Seuls 3% sont achetés dans les grandes surfaces, contre 7% en métropole et 11% à La Réunion » compare l’Insee. « C’est lié au fait que pour acheter des produits volumineux il faut aussi pouvoir les transporter » analyse l’institut. Ainsi comme pour l’alimentaire, le lieu d’achat des produits volumineux est tributaire du moyen de déplacement de l’acheteur, et donc de ses moyens financiers.
« L’habillement est aussi spécifique » poursuit l’institut des études économiques pour qui « 62% des achats de vêtements ou de chaussure ont lieu sur les marchés ou auprès de vendeurs ambulants, et presque pas dans les grandes surfaces alimentaires. Les ménages à très bas revenus achètent principalement sur les marchés » conclut une fois de plus l’Insee qui confirme cette tendance.
Malgré cela, les études montrent que la part moyenne consacrée à l’alimentaire baisse de 3% depuis 2011, signe d’un accroissement moyen du niveau de vie… et de celui des inégalités sociales.
De fait, si 18% des produits durables sont achetés hors Mayotte, alors que par définition ça ne concerne que les habitants en mesure de voyager, cela confirme que « ceux qui consomment fortement font monter les chiffres » témoignant de « forts écarts de revenus ». « Ce que ça montre c’est que les consommations ne sont pas de même nature, chacun consomme en fonction de ses moyens » conclut l’Insee.
Y.D.