À l’occasion d’une rencontre avec la presse mardi matin, le nouveau préfet de Mayotte a souhaité présenter son expérience, sa méthode, mais surtout sa feuille de route. Laquelle ne contient pas de surprise mais sa réalisation pourrait être freinée dans son élan en cas de nouvelle vague épidémique. Déjà, l’urgence est là.
L’atout de l’expérience
“À travers ma nomination, le gouvernement avait la volonté que le préfet de Mayotte soit un homme d’expérience. Et je pense qu’il est nécessaire que l’on ait, à Mayotte plus qu’ailleurs, des gens des gens capables d’apporter la plus-value nécessaire pour participer à la construction du territoire”. Le discours pourrait paraître un brin pompeux mais tout de suite, Thierry Suquet redresse la barre, posé, méthodique, il se présente surtout comme un “serviteur de la République” doté d’une double expérience utile : fonctionnaire territorial pendant 15 ans et diplomé de l’ENA à 35 ans, il entame alors une carrière de sous-préfet dont un poste en Nouvelle-Calédonie avant d’occuper à Lyon “un poste équivalent à celui de préfet de police”. Deux lieux et deux fonctions qu’il met en avant pour convaincre d’une fibre ultramarine et de capacités sécuritaires. “C’est donc une expérience assez large que je viens mettre au service du territoire, des Mahoraises et des Mahorais, aussi longtemps que la République aura besoin de moi ici”, conclut-il.
La méthode
“J’arrive conscient de la responsabilité que la République m’a donné, toute ma vie j’ai appris à servir la République et c’est d’abord ça que j’ai en tête”, pose dans la rigueur et toujours en fidèle serviteur le haut-fonctionnaire. Qui s’ancre “dans la continuité”. “J’ai longuement échangé avec Jean-François Colombet sur les méthodes de travail, l’engagement et la présence quotidienne”, indique celui qui s’apprête également à adopter une posture interventionniste. Et de fermeté, par exemple pour “veiller à ce que la contestation sociale ne débouche pas sur une violence inacceptable”.
Au delà, “il s’agit de tirer son équipe, mettre en ordre de marche les services de l’État et être présent aux côtés des collectivités”. À propos des représentants de ces dernières, “j’ai été frappé par leur discours responsable, leur engagement”, fait valoir celui qui leur tend la main ouvertement pour répondre “à leurs attentes très fortes”. Déjà, Ben Issa Ousséni et Thierry Suquet seraient pleinement raccord suite à leur première entrevue, notamment au sujet du GIP pour la gestion des fonds européens.
Une feuille de route sans surprises
Trois points clefs ressortent des grandes lignes de la feuille de route présentée par Thierry Suquet. D’abord, la préparation de la loi Mayotte qui, après consultations et concertations locales menées au pas de course “entre dans une phase de travail parisien pour traduire tout cela”. La célérité est promise, avant le temps législatif “il faut aussi voir comment articuler ce travail avec des mesures rapides et concrètes”. D’ailleurs, “la venue du ministre des Outre-mers devrait apporter des premiers éléments”, assure Thierry Suquet.
Autre sujet et non des moindres tant on sait qu’il est la priorité du gouvernement : la lutte contre l’immigration clandestine, “un sujet majeur sur ce territoire”. “Le gouvernement a mis les moyens et m’a donné un mandat très clair”, affirme le préfet. Comprendre : pas de moyens supplémentaires hormis une éventuelle pérennisation de la surveillance aérienne mais l’objectif de gagner en efficacité.
Même son de cloche quant à la sécurité, troisième point essentiel de la lettre de mission. “Ce n’est pas un problème de nombre, de moyens, mais il faut que l’on soit meilleurs au quotidien, que l’on gagne en efficience”, estime Thierry Suquet qui compte à ce sujet “travailler en étroite collaboration avec les collectivités sur des plans de prévention, des diagnostics pour comprendre les origines de la violence et ainsi mieux cibler la réponse”. L’Observatoire des violences dont les analyses sont très attendues retrouvera peut-être là un second souffle. Sécuriser le territoire, mais aussi les droits, voilà l’autre aspect de cette ligne. “École, protection sociale, transport etc. Tous ces droits primaires ainsi que notre devise “liberté, égalité, fraternité”, doivent être une réalité sur ce territoire”.
La menace du variant Delta
Son ombre plane alors que la vague a déjà touché des territoires voisins, le variant Delta du coronavirus est évidement source d’inquiétude. “Tout ce dont j’ai parlé précédemment ne pourra se faire qu’en tenant l’épidémie éloignée”, fait valoir Thierry Suquet. Certes, mais la couverture vaccinale plafonne ici à 13% quand, bien mieux couvert, l’Hexagone pâtit d’une flambée épidémique. La rentrée, synonyme de retours de voyages marquera ainsi une étape cruciale. Alors, d’ici là, tous les acteurs concernés “doivent s’employer à maintenir le dispositif de vaccination, il ne faut surtout pas relâcher la pression”, appelle le préfet. “Nous sommes avec Dominique Voynet sur la même longueur d’onde sur ce point et il faut que tout le monde reste engagé pour permettre de vacciner au plus près de la population”. Côté population, la communication sera mobilisée “pour passer un message public fort, expliquer que c’est une priorité. Il faudra pour cela être soutenu par l’ensemble des responsables, notamment associatifs”, espère Thierry Suquet. Car “on n’est pas sûr de pouvoir mobiliser des moyens supplémentaires, il va falloir concentrer nos énergies : nous avons de maintenant à la fin du mois d’août pour monter en puissance”. Voilà un sérieux baptême du feu.
G.M