« Là ce n’est pas du tout conforme ». Le soleil commence à chauffer sur les hauteurs du quartier Convalescence à Mamoudzou, alors que des agents d’EDM inspectent un à un les poteaux électriques qui jonchent la route montant vers la maison du Gouverneur.
En contrebas, la zone d’activité de Kawéni. D’en haut on voit les bouchons du matin, le soleil qui se reflète sur les toits, la barge au loin et, à quelques dizaines de mètres, quelques bangas, alimentés en électricité sans aucun compteur. C’est pour identifier et supprimer la source de ces fraudes à la fois coûteuses et dangereuses qu’EDM menait cette action, en présente de la police nationale.
Sur plusieurs poteaux, le passage des fraudeurs est évident : fils dénudés, raccord à la terre déchiré. Là, une dalle de béton a été coulée pour dissimuler le câble sauvage qui part vers les habitation. Ici, le raccord a été fait en hauteur. De quoi faire frémir les ingénieurs d’EDM.
Moussa Mroudjae est responsable du pôle clientèle chez le fournisseur d’électricité, il dirigeait les opérations de contrôle. « On s’aperçoit que de plus en plus le vol d’électricité devient un vrai phénomène. On passe régulièrement dans les quartiers comme ici à Convalescence pour déconnecter, et ça continue. L’objet c’est d’enlever tout et de sécuriser mais aussi d’apporter des solutions pérenne. Il faut que les gens notent le risque que cela induit. Ils se connectent en mettant un fil directement sur le réseau, il y a un risque d’électrocution, de coupure, d’incendie et de qualité des fourniture. Il n’y a aucun organe de protection ».
En premier lieu « on enlève les câbles », ensuite « il faut identifier les logements, car ils alimentent plusieurs foyers. EDM a décidé de mettre les moyens et de dire qu’on ira jusqu’au bout pour identifier les responsables de ces opérations, qui risquent 3 ans de prison et 45 000€ d’amende ». « Déjà qu’on est intransigeants sur la rétrocession, là on a des personnes qui créent des réseaux parallèles, c’est encore plus dangereux ».
Problème, il est « très difficile » d’identifier qui fraude, quand les câbles sauvages alimentent « des secteurs entiers ».
De coûteuses installations pour voler du courant
Dès leur arrivée sur site, il n’a pas fallu longtemps aux agents pour trouver des traces de fraude. Sur un poteau de 10m de haut, une gaine en plastique attire l’attention d’un ingénieur. Il la fait démonter et découvre en dessous un câble accroché au poteau, direction la ligne électrique, en toute illégalité. Surtout, la connexion à la terre censée sécuriser le réseau a été sectionnée. De quoi faire courir un risque d’électrocution à tout usager qui s’approcherait de trop près, surtout par temps de pluie.
Quant à trouver le fraudeur, c’est une gageure. En effet, le câble informel s’éloigne du réseau sur plus de 600m a pu constater la police sur place. Ce qui est intéressant, c’est qu’au prix du mètre de câble gainé en cuivre, cela représente une installation à plusieurs centaines d’euros, rien qu’en matériel. « Ils ne font clairement pas ça pour l’argent, mais parce qu’ils n’ont pas une habitation aux normes qu’on peut raccorder » résume le chef des opérations.
Sur le même poteau, un « problème de conformité » est également relevé : des câbles sont reliés au réseau, mais avec des normes différentes de celles de l’installation « officielle ». Pourtant l’installation n’est « pas récente » note un technicien. Et elle alimente un compteur bel et bien installé par EDM, mais « pas en bordure de propriété » constate le responsable clientèle. Un débat s’engage alors entre les techniciens, partisans d’une coupure pure et simple de l’alimentation de l’usager « pour des raisons de sécurité, s’il y a un mort, on sera responsables », et le service clientèle pour qui « on ne peut pas couper un usager comme ça, s’il nous attaque, juridiquement il gagnera, combien de fois on est passé ici, il faut accompagner le client vers la mise en conformité ».
Au delà des fraudes, ces opérations de contrôles des lignes urbaines sont donc aussi l’occasion de repérer des situations dangereuses concernant des usagers lambda et de remettre un peu d’ordre dans les installations parfois magnegne.
Elles sont appelées à se poursuivre assure EDM, soucieuse de surfer sur le « succès » d’une précédente opération visant la rétrocession d’électricité.
Le manque d’éducation, et la nécessité pour des habitations informelles de trouver une source d’énergie donne régulièrement lieu à des incidents, « au moins un par semaine » selon EDM, qui sont parfois mortels.
Y.D.