L’inquiétude est palpable au sein de l’agence régionale de santé. Et si ses responsables se refusent à tirer des plans sur la comète, la découverte d’une douzaine de cas de variants du Covid-19, dont deux confirmés de variant Delta, est prise très au sérieux.
« On ne sait pas ce qui va se passer mais on peut comparer à des situations comparables, comme la Guadeloupe et la Martinique, et on voit que sur ces territoires ça démarre vite. On est peut être à la veille d’une 4e vague » prévient Julien Thiria, directeur de la santé publique à l’ARS de Mayotte.
Pour rappel, deux cas de variant avaient été identifiés la semaine dernière. Des tests ont été menés dans tout l’entourage de ces deux patients. Parmi eux, plusieurs cas se sont avérés positifs, et le criblage, un séquençage grossier réalisé à Mayotte en amont d’un séquençage plus précis qui nécessite un envoi d’échantillon à Paris, confirme qu’il s’agit bien d’un variant. Résultat, « à notre connaissance on a 9 cas jusqu’à hier plus 3 à ce jour, soit 12 cas de variant selon le criblage », indique Julien Thiria. La plupart de ces cas sont liés à des retours de métropole. » Ce sont des cas qui reviennent de métropole où 90% des cas sont maintenant liés au variant Delta, on a donc de fortes présomptions de variant Delta. On relève deux clusters autour de personnes revenant de métropole et qui ont contaminé proches, amis ou collègues de travail. On se rend compte que jusqu’à 5 à 6 personnes sont touchées autour d’un seul cas, on considère que c’est 2x plus que la souche initiale. Il y a donc des transmissions sur le territoire de Mayotte » poursuit le responsable.
« Ce qui nous surprend c’est qu’on trouve beaucoup de positifs dans l’entourage, et notamment dans un entourage qui n’est pas très proche. Dans une famille où on a fait 6 prélèvements autour du porteur du variant, on a trouvé 5 positifs, il semble donc bien plus contagieux » corrobore la directrice générale de l’ARS Dominique Voynet.
L’inquiétude provient aussi du fait que « les cas sont découverts essentiellement chez des personnes asymptomatiques » complète Dominique Voynet.
« On se demande si on n’est pas dans une situation comparable à la Martinique et la Guadeloupe où les choses ont frémi aussi avant d’exploser avec plus de 1000 cas pour 100 000 habitants » poursuit-elle, soucieuse « d’alerter la population. Nous n’avons collectivement pas intérêt à l’insouciance ».
Autre indicateur à surveiller : les consultations.
« Après des semaines où nous n’avions constaté aucune consultation pour Covid à l’hôpital ni hospitalisation, on voit depuis le début de la semaine des personnes qui se présentent avec une symptomatologie évocatrice de covid » note aussi la directrice. Les tests effectués pourraient bien vite gonfler les chiffres fournis ce mardi.
« Tous ces éléments épars nous disent qu’il faut renforcer la vigilance. La nouvelle vague progresse très vite avec le variant Delta. Le fait qu’il soit arrivé à Mayotte nous préoccupe beaucoup » conclut Dominique Voynet.
Vers un tour de vis sanitaire ?
Dans ces conditions, des mesures sembles inévitables à plusieurs échelles.
« Nous mettrons en place le pass sanitaire par étapes et dans des conditions adaptées à Mayotte. C’est important de commencer à expliquer à quoi ça sert, comment on s’en dote. Un travail de sensibilisation devrait bientôt commencer au cas où la situation viendrait à se dégrader » prévient-elle. Mais les mesures prioritaires sont celles qui ne peuvent venir que de chacun. Gestes barrières, port du masque, et vaccination.
« Il est nécessaire d’avoir en tête qu’un des meilleurs moyens qu’on a d’endiguer le virus, c’est le vaccin, une étude prouve que la vaccination est efficace à plus de 80% sur le risque de transmission, il y a un grand intérêt collectif » plaide le Dr Maxime Jean, infectiologue à l’ARS. Pour les voyageurs, « une septaine avec un dépistage à J7 est très fortement recommandé pour les voyageurs qui reviennent de métropole ou de la Réunion où circule le variant Delta » complète Julien Thiria, alors que Dominique Voynet se dit « préoccupée par un relâchement général » sur le territoire, qui reste « le département français le moins concerné par l’épidémie ».