Les baleines sont arrivées : ce qu’il faut savoir avant d’aller les observer

Quoi de plus majestueux qu'un souffle ou un saut de baleine ? Ces grands migrateurs, jadis chassés à Mayotte, y sont aujourd'hui le fer de lance du tourisme bleu. Pour mieux les observer et mieux les protéger, le Parc Marin rappelle quelques règles de base.

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Une baleine dans le lagon en 2017 (@YD)

On commençait presque à s’inquiéter ! Les baleines à bosses, familières du lagon de Mayotte à la saison sèche, se faisaient désirer depuis quelques semaines. Les premières ont été observées ces derniers jours dans l’est et le sud notamment. L’occasion de rappeler ce qu’elles viennent faire dans les eaux chaudes du lagon mahorais, et comment les observer au mieux.

« Les baleines ne sont pas là toute au long de l’année, c’est une espèce migratrice » rappelle Léa Ramoelintsalama, chargée de mission au Parc Marin. « Elles ont un site d’alimentation et un site de reproduction. Leur ressource alimentaire, le krill, se trouve dans les mers froides d’Antarctique. Ensuite elles peuvent entamer la migration vers les mers chaudes pour mettre bas afin que le petit ait les conditions adéquates pour allaiter et grandir.
Dans les mers chaudes il y a donc les mises bas mais aussi les accouplements, c’est aussi une zone de reproduction. Une fois que cette période de reproduction est passée, elles empruntent de nouveau le chemin inverse de 5000km pour retourner se nourrir. Ici, en l’absence de krill, elles puisent dans leurs réserves de graisse. Elles s’en trouvent d’autant plus vulnérables » détaille-t-elle.

Léa Ramoelintsalama, du Parc Marin

D’autant que le séjour à Mayotte n’est pas de tout repos pour ces baleines qui, contrairement à une idée parfois véhiculée, ne sont pas là pour se reposer. En effet, « l’accouplement demande énormément d’énergie pour les mâles avec les frappes de caudale ou de pectorale, qui sont des démonstrations de force pour séduire les femelles. Les femelles qui de leur côté essayent d’échapper à de nombreux mâles. L’allaitement aussi demande beaucoup d’énergie, c’est pout tout cela que ces animaux sont vulnérables » poursuit Léa Ramoelintsalama. Or, on l’a dit, cette période de grande activité physique coïncide avec un régime limité dans les eaux tropicales où « comme elles puisent dans leurs réserves elles doivent économiser au maximum leur énergie ».

C’est tout l’intérêt du lagon de Mayotte, qui a l’avantage de mettre notamment les couples mères-baleineaux à l’abri des prédateurs qui pourraient s’en prendre aux petits. De fait, en s’épuisant à éviter les menaces, le petit né dans les eaux chaudes risque de ne pas avoir l’énergie pour rejoindre l’Antarctique par la suite.

De la même manière, « de mauvaises approches peuvent entraîner la fuite des animaux ou des temps d’apnée plus longs leur demandent encore plus d’énergie, poursuit la chargée de mission. Un petit baleineau né dans les eaux de la région va devoir allaiter de manière récurrente pour prendre du poids et avoir le manteau de graisse dont il aura besoin pour survivre dans les mers froides qu’il va rejoindre avec sa maman. S’il est interrompu il risque de ne pas pouvoir assez se nourrir et de ne pas atteindre sa destination en Antarctique. C’est pour ça qu’il est très important avec les couples mères-baleineaux de les approcher avec un maximum de respect ».

Des règles assez simples, sur lesquelles le Parc Marin communique régulièrement en espérant ne pas avoir à verbaliser. Ce qui arrive quand même parfois.

Pour une approche respectueuse, les « recommandations » du Parc Marin rejoignent assez fidèlement la législation en vigueur, qui interdit toute « perturbation intentionnelle » des mammifères. Qu’il s’agisse des baleines ou des dauphins qui habitent dans les eaux mahoraises.

Ce qu’on peut faire, et ce qui est interdit

Le Parc Marin s’est équipé pour traquer les comportements interdits

« Avant même d’approcher, il faut savoir identifier à distance le type de groupe et ce qui se passe » recommande Léa Ramoelintsalama. « Si on a affaire à un couple mère-petit par exemple, on va essayer de se limiter à 15 minutes. La zone d’observation est entre 300 et 100m. Entre 0 et 100m on parle de zone d’exclusion, on ne peut pas approcher l’animal ».

Toutefois le Parc Marin se dit conscient qu’on ne peut bien protéger que ce qu’on connaît, c’est donc bien l’approche qui est limitée, non la distance. Ainsi  » on peut laisser le choix à l’animal de venir ou non jusqu’à nous. Les dauphins qui sont très curieux peuvent d’eux même venir vers les embarcations. Dans ce cas la consigne est de stopper le bateau sans couper le moteur, au point mort. Dans ce cas il n’y a pas d’approche intentionnelle de l’humain vers l’animal. » Et donc, pas de verbalisation à craindre.

Il est aussi possible de suivre un animal qui se déplace, à condition de respecter certaines règles. « On va déjà limiter sa vitesse, le comportement c’est d’approcher par ¾ arrière, en parallèle et à une vitesse inférieure à 5 nœuds pour suivre l’animal. Et si on voit que la baleine notamment a une vitesse supérieure à 5 nœuds, c’est qu’on la dérange puisqu’elle augmente sa vitesse de croisière.
Ensuite il y a le nombre de bateaux à limiter à un bateau dans la zone des 300m, les autres bateaux restent plus loin en file indienne. Il faut éviter d’encercler l’animal parce que tout animal sous pression, un des premiers comportements qu’il va adopter, c’est la fuite. Il faut donc lui laisser la possibilité de fuir. Si on se place à gauche, il peut fuir à droite. S’il continue son comportement tranquillement, c’est tout bénef pour les observateurs et on peut rester sans souci jusqu’à 30 minutes » poursuit la jeune femme en charge notamment de de « mobilisation citoyenne » et de « l’appui aux acteurs locaux ».

Autre écueil à éviter pour prévenir le risque de gêne, mais aussi de verbalisation, c’est la mise à l’eau. Très demandée par les touristes, prisée par plusieurs prestataires, c’est une des pratiques les plus polémiques. D’expérience, les prestataires nautiques savent que les dauphins et baleines peuvent tolérer voire apprécier la présence de nageurs calmes et respectueux. Mais il n’est pas possible d’ignorer les abus qui ont existé, notamment quand en août 2018 une baleine et son petit, particulièrement sociables, avaient autour d’eux jusqu’à 3 ou 4 bateaux et de nombreux nageurs en même temps.

Jet-skis interdits

La mise à l’eau est réglementée, mais surtout très déconseillée

Le Parc Marin considère donc désormais cette pratique comme une gêne intentionnelle passible d’amende. « Pour les mises à l’eau, le parc le déconseille fortement, c’est une des perturbations les plus importantes pour les mammifères marins, ce n’est pas recommandé. Y compris avec les dauphins » indique Léa Ramoelintsalama. Pas « recommandé » car l’arrêté préfectoral en la matière de l’interdit pas formellement. Mais une marge d’interprétation laissée aux policiers de l’environnement incite à ne pas prendre le risque.

« A partir du moment où on constate une perturbation intentionnelle de la part des observateurs, notamment des personnes à l’eau avec les dauphins, ça peut être verbalisé car si les gens se rapprochent de manière volontaire des animaux, c’est interdit. De même, si on voit un mammifère marin qui a un comportement de fuite et que l’observateur insiste, ça peut aussi être considéré comme une perturbation intentionnelle ».

Pour veiller au grain, « les agents du Parc effectuent des missions de surveillance sur ces conditions d’approche et relèvent ponctuellement des infractions relevant du code de l’environnement et de l’arrêté préfectoral, passibles d’amendes pouvant aller jusqu’à 750 euros, voire plus en cas de récidive » indique le Parc Marin sur son site Internet. L’arrêté préfectoral sur lequel se fonde cette action précise d’une manière générale que la présence humaine doit s’arrêter « dès que l’animal présente des signes de dérangement ».

Alors que les offres de survol touristique se développent également à Mayotte, que ce soit en ULM, avion ou hélicoptère, ou même par drones, l’arrêté précise également que le survol des mammifères marins est interdit à une altitude inférieure à 150m. L’approche de tous les mammifères marins est également interdite aux jet-skis, sans limite de distance.

Y.D.

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