Entre le bruit du vent et des vagues, la rencontre organisée ce mardi à la plage de Mtsamudu (commune de Bandrélé) ne présentait pas le confort d’une réunion en salle, et il n’était pas toujours facile de s’entendre parler. En réitérant l’exercice quelques heures plus tard à Moya, autre site emblématique des pontes, et donc du braconnage des tortues, le préfet a montré son attachement à ce sujet clé, quatre jours après la remise en liberté de trois braconniers pris sur le fait la semaine dernière.
Michel Charpentier, président des Naturalistes de Mayotte, a salué la présence d’une cinquantaine d’acteurs, de l’Etat, du Département et de l’intercommunalité du Sud de Mayotte. En quelques chiffres clé, ce militant de longue date de la biodiversité mahoraise a rappelé que « les plages de Mayotte en général et de Saziley en particulier sont un hotspot de biodiversité, plus de la moitié des repérages de pontes du Parc marin, 53% plus précisément, sont concentrés sur les 7 plages de Saziley. Sur ces 7 plages, celle de Saziley, c’est 700 à 750 tortues par an et plus de 2000 pontes car elles pondent 3 fois dans l’année ». Or, « sur la seule plage de Saziley, en 2019 on a constaté 4 tortues braconnées, en 2020, 2 et en 2021, on n’en a pas encore vu. Sur 4 autres plages, c’était 16 en 2020 et 3 cette année. La conclusion qu’on en tire c’est que la présence sur les plages dissuade les braconniers. Peut être que ça les repousse vers d’autres plages, c’est pour ça qu’il faut élargir la présence nocturne pour arriver à éliminer le braconnage sur ce spot important pour l’océan indien et pour Mayotte ». Face à un représentant de l’Etat attentif, Michel Charpentier retient de la rencontre que « le préfet a bien soutenu le projet ». Il lui a aussi « expliqué que depuis 2019 on avait commencé les opérations de comptage et qu’on a été présents 63 nuits dans l’année, 91 en 2020 et déjà 87 en 2021. Tout ça avec quelques salariés mais surtout un grand nombre de bénévoles, plus de 200, qui ont participé à ces actions ». De quoi mettre en avant les premiers résultats des moyens déployés dans le cadre de la task-force voulue et chapeautée par son prédécesseur à la préfecture Jean-François Colombet.
« On a besoin d’être tous ensemble »
Thierry Suquet » nous a donné l’impression d’être dans la même dynamique, avec la même volonté d’engagement et de travailler ensemble et de continuer à faire en sorte que le bon démarrage qu’on a eu jusqu’à présent puisse se poursuivre. Maintenant on cherchera à le rencontrer pour la 2e étape. Le pacte a été signé en décembre 2020 pour un an, il faut préparer la suite du plan. Il faut aussi faire de la communication, de la sensibilisation et de l’information, il faut impliquer la population. Le préfet est allé en ce sens aussi et ça c’est positif.
En effet, Thierry Suquet a salué le travail des associations dont le combat chaque nuit sur les plages n’est « pas quelque chose de facile, il y a du travail de nuit, de la présence sur le terrain, y compris dans des endroits qui ne sont pas accessibles par la route mais où on a besoin de cette présence » a-t-il plaidé. Tout en rappelant aussi le nécessaire engagement de l’Etat, de la gendarmerie à la Justice. « Contre le braconnage des tortues il faut de la présence, il faut être capable d’intercepter mais aussi d’avoir une action répressive, il faut savoir dissuader mais aussi réprimer ces actions là » a-t-il exprimé sur la plage. Un discours à la tonalité particulièrement appréciée pour les bénévoles, alors que vendredi 3 braconniers interceptés en Petite Terre ont été condamnés mais laissés libres.
Le second point sur lequel le préfet a rejoint Michel Charpentier, « c’est qu’on a beaucoup d’acteurs, on a besoin d’être tous ensemble, de ce travail partenarial, si on veut que ça devienne une politique générale sur l’ensemble de Mayotte, pour la sauvegarde des tortues et de la biodiversité en général, il n’y a pas de pré carré, on a besoin que l’information circule et que cette action soit portée à la connaissance de l’ensemble de nos concitoyens ».
Une implication de la population sur laquelle il a souhaité insister en rappelant que l’enjeu est aussi économique. « Si on veut que ça ne soit pas un coup d’épée dans l’eau, il faut qu’on soit capables d’associer l’ensemble de nos concitoyens, par le biais d’un tourisme de proximité, durable, ça contribue au développement de l’île, un développement qui intègre la biodiversité et la connaissance de la nature, pour inscrire Mayotte dans la durée ».
Y.D.
Photos @Naturalistes de Mayotte