Mobilisé entre la gendarmerie de Dembéni et le commissariat de Mamoudzou, le ministre de l’Intérieur n’a pas assisté à l’inauguration de l’usine à abattre des poulets. Guère plus que celui des Outre-mer, dont les organisateurs avaient un temps espéré la venue.
Tant pis, tous les invités avaient quand même le cœur à la fête, en célébrant l’aboutissement de quatre années de travail. Et si l’ambiance était si bonne, que ce soit pour les producteurs, leurs collègues agriculteurs -même hors élevage- et les élus comme Mansour Kamardine, Bibi Chanfi ou le maire de Ouangani Youssouf Ambdi, c’est parce que cette inauguration est bien plus que le seul lancement d’une filière de production de volailles.
Pour le directeur de la coopérative AVM, Guillaume Rubin, cette « réussite collective » qui donne vie à « un engagement scellé en 2017 », donnant naissance à une entreprise qui « est constituée de chaque maillon de la chaîne de production pour proposer aux Mahorais des produits frais, de qualité, mais non élitistes ». Mais surtout poursuit le directeur, « l’entreprise doit jouer un rôle dans l’aménagement du territoire avec des emplois valorisants en zone rurale ».
En effet, pour le président d’AVM, l’éleveur de canards Elhad-Dine Harouna, l’abattoir inauguré samedi « change la vision de l’agriculture mahoraise ». Il rappelle les principaux enjeux. D’abord la production.
« 17 000 tonnes entrent chaque année sur notre territoire. Ce qui compte c’est combien de tonnes on peut produire. En 2014 on ne faisait que 2 tonnes. Maintenant on fait 120 tonnes. Avec cet outil on peut faire 1500 tonnes, il a été fait pour répondre aux besoins de demain. La prochaine génération aura peut être comme objectif d’atteindre les 100% de la volaille consommée à Mayotte, ce qui est important c’est combien nous sommes capables de produire pour notre peuple ? Le reste c’est du pipeau. »
Mais la quantité n’est pas tout, revendique le président de la coopérative. « On dit que le Mahorais a besoin d’un produit bas de gamme et pas cher, c’est faux. Le Mahorais a besoin de qualité, et la qualité c’est un produit de proximité, c’est des producteurs qui travaillent des produits de terroir et c’est un enjeu économique important. Un outil comme celui là c’est aussi des emplois. » Ce qui le mène à l’enjeu numéro 2. « Il faut tendre à l’autosuffisance alimentaire mais aussi créer de nouveaux métiers. Tout le monde ne sera pas fonctionnaire, en développant des industries, nous sommes capables de créer d’autres métiers pour notre jeunesse, et c’est ça qui fait Mayotte » plaide l’éleveur.
Un tremplin pour donner des aides au département
Par ricochet, les retombées économiques de cet abattoir vont encore plus loin. Le maire de Ouangani, Youssouf Ambdi, salue un « beau projet industriel » qui va « désengorger le grand Mamoudzou-Kawéni ». « C’est une première dans notre île, cet abattoir présente plusieurs avantages, ce projet s’inscrit dans un objectif d’aménagement et de dynamisation économique de Mayotte, agricole, industriel, touristique et tertiaire. Cela contribue à promouvoir la production locale et à consommer moins de produits importés ».
La vice-présidente du Conseil départemental Bibi Chanfi, en charge des questions économiques, appuie chacun de ces points. « Nous disposons désormais d’un des chaînons manquants nous permettant de tendre vers une autosuffisance alimentaire sur notre territoire. Avec une capacité d’un million de poulets par an, c’est près de 10% du marché de volailles consommées sur l’île qui seront commercialisés grâce à cet abattoir. D’autres initiatives soutenues par le Département viendront étoffer cette offre de produits frais » promet-elle. Car « au delà de l’aspect alimentaire, le Département souhaite contribuer à l’aménagement du secteur centre, notamment de Coconi, avec l’objectif affiché d’équilibrer le territoire en fixant des activités en dehors du grand Mamoudzou. Le conseil départemental souhaite construire une cité administrative avec 3 directions générales adjointes et un cluster dédié aux activités agricoles et forestières avec le PER comme tête de pont. Une cuisine centrale et un internat pour le lycée agricole et un pole multimodal en cours de construction complèteront cette offre de service pour le monde agricole et la population. L’élue départementale qualifie de « success story » ce nouveau chapitre d’une aventure qui a commencé avec 12 agriculteurs à peine en 2014, et qui devrait désormais aider les autorités locales à développer ce secteur « en zone d’attractivité économique et touristique » et faire la « démonstration que Mayotte peut mener à bien des projets d’envergure européenne et structurer des filières »
Y.D.